Article de Julia Pascual, journaliste au Monde, sur les suites éventuelles de l’interdiction du burkini intitulé
“Le ‘burkini’, cheval de Troie de l’interdiction du voile ?”
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« Ce sont les libertés fondamentales et la légitimité de la présence des musulmans visibles sur le territoire qui sont remises en question par toutes ces polémiques », résume le sociologue Marwan Mohammed.
Burkini ou pas, en visant des femmes voilées arborant des tenues couvrantes, les arrêtés municipaux créent une rupture. « Ce qui est en train de se passer, c’est une forme d’extension du devoir de neutralité ou d’invisibilité à des lieux et à des personnes qui n’ont jusque-là jamais été concernés par la loi de 1905 », estime Marwan Mohammed, sociologue au CNRS. En 2004, en interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école, la France avait déjà élargi le devoir de neutralité aux usagers des services publics, rappelle le sociologue.
« Depuis, il y a un lobbying pour étendre ce devoir à l’université ainsi qu’à l’entreprise. Avec les derniers arrêtés, on s’attaque à l’espace public. »
Ce basculement a très tôt été dénoncé par des associations telles que le CCIF ou la Ligue des droits de l’homme (LDH), à l’origine de plusieurs recours contre des arrêtés, dont celui examiné jeudi par le Conseil d’Etat. « Le danger, c’est que l’on aboutisse demain à l’interdiction du port du voile sur la voie publique ou dans les transports» , met en garde l’avocat Patrice Spinosi, qui défend la LDH. L’avocat du CCIF, Sefen Guez Guez, souligne que la nouveauté réside aussi dans la création de « nouveaux endroits où l’expression du culte n’est pas possible» sans même avoir recours au législateur.
La posture gouvernementale semble d’autant moins encline a s’assouplir qu’à droite, la surenchère fait rage. Dans un entretien à paraître vendredi dans Le Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy propose une loi «qui interdise tout signe religieux à l’école mais également à l’université, dans l’administration et aussi dans les entreprises». Le Front national veut aller jusqu’à «une loi d’interdiction générale des signes religieux ostensibles dans l’ensemble de l’espace public». Pour l’instant, le pouvoir refuse de légiférer. Mais il reste encore huit mois avant l’élection présidentielle…
Le Monde