Pour Jérome Anciberro, rédacteur en chef de l’hebdomadaire catholique La Vie, le burkini a rappelé que l’islam est désormais un “réalité française”.
Au-delà de l’actualité immédiate, l’arrivée de l’islam visible sur les plages françaises a réveillé une part enfouie de notre inconscient collectif. […]
Certes, l’attaque de Nice s’est déroulé à quelques mètres de l’accès à la mer, et l’inquiétude et/ou l’hostilité à l’égard des musulmans se donne plus facilement à entendre à mesure que les attentats commis au nom de l’islam, aussi dévoyé soit-il, se multiplient. Mais il est probable que l’affaire du burkini ait touché quelque chose de plus profond dans l’inconscient collectif, dont une partie est aussi – osons l’hypothèse – un inconscient de plage. […]
L’irruption de l’islam visible en des lieux dévolus aux loisirs familiaux a clairement cassé l’ambiance. Comme si un contrat implicite – la plage, c’est pour les gens « comme nous » – avait été rompu. C’est que face à la mer, l’été, on ne parle pas politique, on ne parle pas religion, d’ailleurs on ne parle pas vraiment : on joue au ballon, on somnole, on se baigne et on boit frais (si possible).
En d’autres termes, on n’est pas là pour se faire emmerder. Et c’est d’ailleurs ce que disent la plupart des musulmanes qui ont réagi à l’affaire du burkini […].
Alors, quel est le problème ? Le burkini, même ultra-minoritaire chez les musulmanes, rappelle tout bêtement que l’islam est désormais une réalité française. Or, l’imagerie traditionnelle de la plage, en France, porte avec elle une esthétique où, jusqu’ici, l’islam n’existait pas ou, en tout cas, ne se voyait pas.
La plage, pour la majorité des Français, ce sont les familles d’ouvriers des premiers congés payés de 1936, les premiers bikinis des années 1960, le gendarme de Saint-Tropez, les seins nus des années 1980… […]
Et l’on en vient à s’interroger : si cette laïcité-là s’invite à la plage, pourquoi ne s’inviterait-elle pas ailleurs ? Dans les fêtes de village, sur les chemins de campagne ou sur les pistes de ski (à quand des cagoules laïquement correctes ?)… La France pourrait bien devenir alors un grand sanctuaire laïc de 550.000 km2. Le nouveau pays des purs.
La Vie