Pour Fadila Mehal, conseillère de Paris (UDI-Modem), membre de l’observatoire parisien de la laïcité et présidente de “La république ensemble”.
[…] Aujourd’hui l’islam fait peur, notamment parce qu’ une image dégradée de l’asservissement des femmes lui est attachée. D’autres sont persuadés de sa corrélation avec le djihadisme. Hélas et ce n’est pas un secret, la deuxième religion de France souffre d’une double diabolisation , portée d’une part par une droite identitaire extrême qui se réfugie dans une chrétienneté outragée et d’autre part, par une gauche anti-cléricale qui ne se résout pas à accepter que les immigrés de la marche des beurs de 1983, dont les mobylettes carburaient au “mélange”, ont fait des enfants musulmans.
Comment, en effet, comprendre une telle mutation ? Cette religiosité nouvelle est-elle le signe avant-coureur, comme le pensent certains, d’une désintégration, d’une désaffiliation à la société française ? Pourquoi ces enfants d’immigrés, dont les parents ont pratiqué leur religion en toute discrétion pendant des décennies, sont-ils prêts aujourd’hui à en découdre pour plus de visibilité religieuse ?
Pour moi les raisons sont multiples. La première, la plus essentielle à mes yeux, est sans doute que dans la période troublée que nous vivons, qui voit un monde mourir pour qu’un autre renaisse, cette demande de spiritualité est d’abord une demande de Sens. Un sens qu’une société mondialisée, précarisée, matérialisée, fragmentée, n’offre plus. Il y a chez beaucoup de jeunes Français chrétiens un regain de spiritualité positive, comme l’a illustré le succès du dernier rassemblement des journées mondiales de la jeunesse à Cracovie.
Pour beaucoup de musulmans aussi , le besoin de visibilité est un signe de sécularisation. C’est parce qu’ils sont de ce pays qu’ils souhaitent que leurs proches soient enterrés en terre de France, qu’ils souhaitent prier à ciel ouvert.
Pas d’angélisme cependant, pour d’autres malheureusement en butte aux discriminations et à la marginalisation, le repli identitaire est un moyen de compenser une banalisation sociale et une égalités des chances qui n’est pas au rendez vous, avec un ascenseur social bloqué au sous-sol. Ils deviennent alors un terreau fertile pour la délinquance, le salafisme et tous les “ismes” qui prolifèrent comme des serpents vénéneux pour notre pacte social. C’est aux politiques de renverser ce cycle mortifère et de redonner de l’espérance.
marianne