Pour les préserver, il est interdit de les rencontrer. Alors que les Jarawa ont toujours vécu en autarcie et en harmonie avec la nature sur l’archipel des Andaman, dans l’océan Indien, leur mode de vie a été bouleversé par l’arrivée massive de touristes au début des années 2000. Des rapports alarmants font état de “safaris humains”, d’exploitation sexuelle des femmes ou encore des ravages des maladies importées sur ce peuple menacé d’extinction.
Perdu dans l’océan Indien, à quelques centaines de kilomètres des côtes indiennes, l’archipel des îles Andaman est devenu l’Eldorado de la classe moyenne indienne. Chaque année, des milliers de touristes profitent des plages coralliennes de ce petit bout de terre paradisiaque à la nature encore préservée.
C’est aussi un endroit stratégique, où le gouvernement a décidé de construire le plus grand port sur l’océan Indien. Mais ce développement économique spectaculaire se fait au détriment des Jarawa, peuple afro-asiatique qui vit dans l’archipel et compte parmi les dernières tribus primitives de la planète.
Les Jarawa sont des pygmées. Ils ont quitté l’Afrique il y a 70 000 ans avec les premières migrations humaines. Cela fait plus de 35.000 ans qu’ils sont établis sur les îles Andaman. Ce peuple, qui vit de chasse et de cueillette, a toujours farouchement refusé de se mélanger aux puissances qui ont successivement colonisé son territoire, de la Grande-Bretagne au Japon en passant par l’Inde, dont les îles Andaman font partie intégrante depuis 1947. Mais depuis une vingtaine d’années, et notamment le tsunami de décembre 2004, le tourisme a explosé sur leur archipel et les contacts avec la tribu se sont multipliés… Bien souvent pour le pire.
La route qui traverse leur forêt, l’Andaman Trunk Road, destinée à l’origine aux transports locaux, est devenue le théâtre de safaris photos organisés pour les touristes avec la complicité de la police locale. Les Jarawa ont tenté à plusieurs reprises de se plaindre auprès des autorités locales, en vain.
Des braconniers viennent aussi chasser le gibier sur leurs terres en toute impunité et sont accusés d’avoir introduit l’alcool et le tabac sur l’archipel. Les Jarawa affirment par ailleurs que des femmes ont été kidnappées et violées par des étrangers, et que des enfants ont été tués en avalant des médicaments périmés… Sans compter les maladies nouvelles contractées au contact des intrus, à l’instar de l’épidémie de rougeole et de pneumonie, qui a décimé 10 % de leur population en 1999.
Hormis la route des Andaman et ses hordes de touristes, l’accès à la réserve des Jarawa est pourtant strictement interdit. C’est une forteresse. Cent quinze kilomètres de bande côtière plantée d’une jungle dense qui est patrouillée en permanence par l’armée indienne et les gardes forestiers de l’AAJVS, l’organisme public en charge de la protection des minorités ethniques. Le black-out médiatique est total.
Nous sommes allés malgré tout à la rencontre de ce peuple menacé d’extinction. Les Jarawa, qui ne comptent plus que 420 membres, parlent une langue qui leur est propre. Nos guides sont parmi les rares étrangers à la maîtriser. Ils ont accepté de prendre des risques importants pour nous conduire à travers la jungle. Certains Jarawa ont accepté de nous rencontrer et nous ont parlé librement de la gravité de leur situation.