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Tribune de Sébastien Ledoux (enseignant à Sciences Po et chercheur en histoire contemporaine à Paris-I, au Centre d’histoire sociale du XXe siècle) sur l’enseignement de l’histoire.
L’enseignement de l’histoire est de nouveau convoqué ces jours-ci pour entreprendre la transmission d’un récit national qui ferait honneur à nos concitoyens en leur restituant un passé glorieux et complaisant. On peut raisonnablement penser que les débats sur cette question ne font que commencer dans un contexte préélectoral.

Le récit national traditionnel au fondement de la IIIe République célébrait la glorieuse nation française et ses héros censés l’incarner. Il avait comme fonction de nourrir un imaginaire historique devant être partagé par l’ensemble des citoyens pour former ainsi la communauté nationale.

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Légende : Henry est le roi des pauvres gens. Il veut que, dans son royaume, les paysans puissent mettre la poule au pot tous les dimanches. Dessin de Job (Jacques Onfroy de Bréville, 1858-1931)
Une telle production narrative a, en tout cas, omis des faits historiques dont l’Etat français s’est rendu responsable (traite et esclavage, violences coloniales, persécution des juifs par Vichy). La prise en compte de ces omissions à partir des années 1970 a eu comme effet de dénommer ce récit en « roman national ». […] Devant ces instrumentalisations du passé qui produisent un récit mythique et sans lendemain du «nous» national, il serait au contraire bienvenu de penser un récit national émancipateur et inclusif mettant en intrigue des expériences historiques fédératrices ouvrant des futurs possibles. Un récit qui ne commande pas l’amour de la France, qui ne construit pas implicitement d’aversion ou de rejet envers des figures d’altérité irréductible (le juif, l’immigré, le musulman), ferment du nationalisme, mais suscite le sentiment d’appartenance à la communauté nationale par des références historiques heuristiques. […] Dans ce récit inclusif, une place doit être consacrée aux immigrations depuis le XIXe siècle pour affirmer avec force le rapport dialectique de la construction nationale par ses apports extérieurs depuis deux siècles. Face aux discours identitaires actuels qui font écran au passé comme au présent et à l’avenir, l’enjeu d’un tel récit serait de référer l’histoire de la nation à des constructions sociales et politiques à même de définir les contours d’une coexistence possible des Français dans un devenir commun au sein de la République du XXIe siècle. […] Le Monde

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