Stéphane Ravier est devenu en 2014 le maire de secteur FN des 13e et 14e arrondissements de Marseille, grâce au vote massif en sa faveur des zones pavillonnaires. Enquête du Monde sur le vote FN dans les quartiers nord de Marseille.
A la sortie de la station de métro Frais-Vallon, à Marseille, deux mondes se font face. D’un côté, le « noyau villageois » de La Rose et ses quartiers pavillonnaires, de la modeste maison individuelle aux villas entourées de hauts murs avec jardin et piscine. De l’autre, une succession de grands ensembles, qui composent la cité Frais-Vallon, où il suffit de suivre le parcours fléché depuis le métro pour se procurer de la drogue, sous l’œil vigilant des « choufs », les jeunes guetteurs, installés nonchalamment dans de gros fauteuils. […]
Un exemple de la pertinence de la stratégie du parti qui s’emploie, à un an de la présidentielle, à conquérir l’électorat des quartiers populaires ? La réalité marseillaise est, en fait, plus complexe. En l’occurrence, c’est grâce au vote massif des « noyaux villageois » que le FN a réussi à s’imposer. […]
« Ici comme ailleurs à Marseille, le vote FN suit de près la typologie de l’habitat et des formes urbaines. Le vote FN est surreprésenté dans les ‘noyaux villageois’ et surtout dans l’habitat pavillonnaire. A l’inverse, dans les grands ensembles, où l’abstention est très élevée, le vote FN est nettement sous-représenté, encore plus que pour les autres partis», explique Joël Gombin, politiste et spécialiste de l’étude du vote FN. […]
A quelques rues de là, à Saint-Jérôme, Sabrina Bensalem sort de l’école primaire entourée de ses deux enfants. Cette trentenaire au chômage a grandi dans la cité de Picon-Busserine, dans le 14e arrondissement. Elle y a connu «l’époque où l’on pouvait encore jouer en bas des bâtiments. Le trafic de drogue était déjà présent, mais c’était discret». Aujourd’hui, elle vit dans une autre cité du 13e, et n’attend qu’une chose : partir. En attendant, elle a fait une dérogation pour que ses enfants soient dans «une meilleure école», loin des « cas sociaux», précise-t-elle dépitée. […]
En remontant de Saint-Jérôme vers le métro La Rose, se succèdent des parcours de vie où le repli sur soi est devenu la norme. Marie, 59 ans, propriétaire depuis quarante ans d’un appartement – dont la valeur a dégringolé, selon elle, avec l’arrivée dans sa résidence de familles d’origine étrangère «qui ne font pas d’effort» –, n’attend que la retraite pour partir. Denis, 68 ans, se dit « tranquille une fois que le portail est fermé » dans son lotissement sécurisé. Sophie, 57 ans, est soulagée depuis que l’entrée de son lotissement a été fermée, il y a deux ans, après une série de casses et de vols.
Qu’ils aient voté ou non pour Stéphane Ravier, leur discours est similaire. Un sentiment de ras-le-bol s’est ajouté à celui d’être abandonné au milieu des cités. Quels que soient les mots utilisés, les maux désignés sont toujours les mêmes. Pêle-mêle reviennent inlassablement l’incivilité, le communautarisme, le non-respect des règles, le manque d’éducation, le sentiment de payer et de n’avoir rien en retour, la disparition de la valeur du travail, la déception de promesses politiques non tenues. Et un coupable : le gouvernement qui, à droite comme à gauche, ne fait rien pour changer les choses […]
« Ces constatations vont à l’encontre de l’idée d’un vote FN qui serait celui des plus déshérités. Au contraire, ici, les électeurs FN ont souvent quelque chose à protéger, comme leur logement dont ils sont généralement propriétaires », analyse Joël Gombin.
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