À l’occasion de la sortie de son livre, Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, l’auteur des Versets Sataniques commente dans un entretien accordé au Point la crise politique et religieuse qui se profile en Occident.
[…] L’auteur pense que s’il publiait Les Versets sataniques aujourd’hui, il n’aurait pas été soutenu comme il l’avait été à l’époque. Dans ce roman publié en 1988, il avait tenu des propos jugés injurieux à l’encontre du prophète Mahomet. «Aujourd’hui, on m’accuserait d’islamophobie et de racisme. On m’imputerait des attaques contre une minorité culturelle», explique l’écrivain. Il défend la liberté de penser et affirme avoir le droit de dire que la religion est une stupidité. […]
Un peu partout dans le monde, la religion s’infiltre dans la politique. Pour l’écrivain, les choses sont évidentes. Les islamistes veulent le pouvoir politique. Ils pensent que la société parfaite a existé au VIIe siècle, et la révolution khomeyniste, comme la communiste, se présente comme une révolution contre l’Histoire. «Face à la réalité, il faut nommer les choses : les journalistes de Charlie Hebdo ont été tués au nom d’Allah et pour venger le Prophète», affirme Rushdie.
Toujours selon le romancier, les gouvernants occidentaux semblent avoir du mal à employer le terme «terrorisme islamiste». Ils préfèrent parler de «déséquilibrés» ou «d’extrémistes radicaux». «Vous, Français, employez l’étiquette Daech, ce qui neutralise les choses, alors que partout dans le monde on appelle ce mouvement Isis, Islamic State of Iraq and Syria, pour faire entendre le mot islam», se désole Salman Rushdie.
Il ne comprend pas davantage l’obstination de Barack Obama à ne pas prononcer le mot «islam» quand il réagit à des attentats commis en son nom. L’auteur interprète ce silence comme une prudence de fin de mandat pour ne pas heurter les musulmans et les Afro-Américains, souvent ralliés à l’islam. Enfin, pour Salman Rushdie, Daech représente une forme de l’islam, que la plupart des musulmans rejettent mais qui existe et se développe. Or l’écrivain britannique se demande comment combattre un cancer si on ne reconnaît pas qu’il est dans son corps?
Le Figaro