Tribune de Farid Laroussi, professeur de lettres à l ‘université de Colombie britannique, Vancouver, (Canada) publié sur le site musulman oumma.
Il y a treize ans dans les colonnes du Monde, j’expliquais les raisons principales qui m’avaient conduit à choisir l’exil et m’installer aux États-Unis comme nouvelle terre pour vivre et travailler. Ma tribune à l’époque était plutôt une lettre de désamour qu’un règlement de comptes. J’étais incapable d’arracher la France de mon coeur. C’est d’ailleurs singulièrement vers le Front National et son idéologie nauséeuse que je pointais le doigt. Loin de moi le sentiment que bientôt toute la sphère politique française serait contaminée par la rhétorique extrémiste.
On ne s’étonne même plus qu’un Premier ministre socialiste s’acharne contre les femmes musulmanes adultes, sous prétexte qu’elles choisissent librement, en leur conscience, la façon de se vêtir. L’épisode du burkini, cet été, a fini de tourner le discours officiel anti-islam en une farce mal écrite et mal jouée qui plus est. Aujourd’hui, fidèle à sa posture islamophobe, le Premier ministre instruit sur des arguments délirants dans le Huffington Post (05-09-2016) un procès contre le New York Times qui aurait attenté à l’image polie d’une France ouverte et tolérante, et ce, en donnant la parole à des femmes qui témoignent de leurs expériences de musulmanes au XXIème siècle au pays de Voltaire. […]
En attendant, on crée une Fondation de l’islam de France, nouvelle resucée du paternalisme républicain, avec à sa tête un politicien ressorti de la voie de garage, au dégré zéro de connaissance du monde musulman, et dont le talent initial semble être celui de se mettre à dos ceux qu’il est censé représenter. […]
Le but assez évident avec cette fondation est de promouvoir une assimilation obsessive, qui en vérité est la contre-épreuve de l’intégration.
Il y a des bontés dont il faut se méfier. On se choisit comme Français, non point par sa seule naissance, mais par ses choix et actions de tous les jours dans la vie sociale et culturelle. L’islamophobe décomplexé, lui, veut rayer la modernité de l’identité française.
Pour certains même, on a le sentiment que la guerre d’Algérie n’est pas terminée.
Il y aurait comme une question musulmane, qui rapporte gros aux urnes dès qu’elle est bassement agitée. Et on tentera de vous convaincre en affirmant que l’islamophobie n’est que la réaction naturelle face au terrorisme islamiste. […]
Pendant ce temps, toujours plus de Français musulmans, qui n’ont jamais douté de leur identité, se préparent pourtant à quitter la France. Et dans la classe politique, au lieu de faire amende honorable et de tout tenter pour garder les enfants de la république dans le giron de Marianne, on assiste au spectacle pathétique de politiciens qui accusent à tort et à travers.