Pour Herfried Münkler, professeur de science politique à l’université Humboldt, à Berlin, «l’Allemagne se trouve face à une question aussi existentielle qu’au moment de la réunification»
Il vient de publier un essai coécrit avec Marina Münkler, professeure de littérature à l’université de Dresde Die Neuen Deutschen. Ein Land vor seiner Zukunft (« Les Nouveaux Allemands. Un pays face à son avenir », Rowohlt, 334 p., non traduit).
Les élections législatives allemandes auront lieu en septembre 2017. A un an de la fin du troisième mandat d’Angela Merkel à la chancellerie, quel sera, selon vous, l’enjeu majeur de la campagne ?
L’immigration, qui domine le débat politique allemand depuis plusieurs mois, sera sans aucun doute le sujet majeur autour duquel va se faire la campagne de l’an prochain. Cependant ce sujet ne se limite pas à la seule question des réfugiés originaires de Syrie ou d’Afghanistan. Les réfugiés sont certes un enjeu central, mais le débat, beaucoup plus large, touche à trois questions fondamentales : quelle doit être notre politique migratoire ? De quoi parlons-nous exactement quand nous parlons d’intégration ? Et, enfin, que signifie « être allemand » aujourd’hui ?
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Seuls deux partis abordent ces questions de façon relativement claire : Alternative pour l’Allemagne (AfD) et les Verts. L’AfD défend une vision culturaliste de la nation, propice à l’expression de sentiments xénophobes ou racistes, et considère que l’immigration est une mauvaise chose en soi, car elle représente une menace pour l’Allemagne.
L’AfD défend une vision culturaliste de la nation, propice à l’expression de sentiments xénophobes ou racistes, et considère que l’immigration est une mauvaise chose en soi, car elle représente une menace pour l’Allemagne. […]
Dans votre livre, vous expliquez que la mise au premier plan du débat politique de la question de l’immigration n’a pas seulement pour conséquence de redéfinir les clivages partisans, mais qu’elle ravive aussi un clivage que la réunification était censée abolir, entre l’est et l’ouest du pays. Pourquoi ?
Entre la fin de la seconde guerre mondiale et la chute du mur de Berlin, les deux Allemagnes ont eu des rapports très différents à l’immigration et aux frontières. A l’est, la RDA était un pays quasiment sans étrangers, dans lequel la défense des frontières était un enjeu central. Malgré l’idéologie officielle, qui exaltait l’internationalisme, c’était la plus allemande des deux Allemagnes. […]
Le Monde