Pour le journaliste Laurent Neumann, la répartition des migrants de Calais crée un “psychodrame politique” qui n’a pas lieu d’être.
Certains responsables politiques tueraient père et mère pour inventer l’élément de langage qui fait mouche, l’expression, la petite phrase reprise en boucle par tous les médias. Au concours Lépine de l’invention la plus démagogique de la semaine, le vainqueur est : « mini-Calais ». En démantelant la « jungle de Calais » (autre invention qui a fait long feu) pour répartir les migrants sur l’ensemble du territoire, on créerait donc plein de « mini-Calais » ailleurs. C’est court, c’est clair, percutant, facile à comprendre… mais c’est faux. Faux et terriblement dépréciatif pour des Calaisiens qui n’ont pas mérité pareille contre-publicité. […]
[…] L’explication, la concertation, la pédagogie, voilà la clé. À quoi cela sert-il de créer des tensions ? La région que préside Laurent Wauquiez, Auvergne-Rhône-Alpes (8 millions d’habitants), n’est-elle vraiment pas en mesure d’accueillir 1 784 migrants ?Pareilles décisions, on peut le comprendre, inquiètent les populations des villes concernées. Mais le rôle des responsables politiques est-il d’attiser ces peurs ou, au contraire, d’expliquer pour les atténuer ?
L’asile est un droit, internationalement reconnu, que la France doit s’honorer de respecter. […] Reste donc une question, majeure : que faire de tous les déboutés du droit d’asile ? En 2015, 14 000 demandes ont été acceptées pour 80 000 dossiers déposés. Le ministère de l’Intérieur a révélé cette semaine que 1 346 personnes en situation irrégulière avaient été expulsées de Calais depuis janvier, « éloignées du territoire national » comme on dit dans le jargon administratif, tandis que 229 filières d’immigration clandestine étaient démantelées. Mais les autres ?
N’en déplaise à une certaine gauche qui voudrait ouvrir grand les frontières, seule l’application stricte de la loi permettra d’enrayer l’effrayante spirale démagogique à laquelle se livrent certains responsables politiques, en France comme partout en Europe. Et d’empêcher qu’une expression comme « mini-Calais », aussi fausse que déplaisante pour les Calaisiens, puisse ainsi faire florès…
Le Point