Pour Mustapha Benchenane (né en Algérie), docteur d’Etat en science politique, conférencier au collège de défense de l’OTAN, il ne revient ni à l’Etat ni aux chefs d’entreprise de faire de la pédagogie dans le domaine religieux, estime le politologue.
Les attentats commis en France contribuent de façon substantielle à l’aggravation de la perception négative qu’ont de l’islam de plus en plus de Français. L’un des effets de cette approche tantôt légitime tantôt instrumentalisée se manifeste par des confusions à propos de concepts et de principes fondamentaux tels que la « radicalisation » ou la « laïcité ».
Une clarification devient donc urgente sur au moins trois registres : la question de la liberté des salariés à exprimer dans l’entreprise privée leurs appartenances religieuses et politiques ; les restrictions légales de la liberté religieuse ; le fondement légitime de ces limitations, la laïcité étant utilisée souvent sans discernement. […]
La difficulté réside dans la fixation de ces restrictions : que faire quand un salarié refuse de serrer la main des femmes en se référant à sa religion ? Quand un salarié demande des aménagements d’horaires de travail parce qu’il fait le ramadan ? Quand des salariés demandent un lieu de prière dans les locaux de l’entreprise ? […]
Ni l’Etat ni les chefs d’entreprise n’ont à faire de la pédagogie dans le domaine religieux. Les imams, dans les mosquées, devraient expliquer que la prière n’est pas prioritaire quand on travaille, mais qu’on peut la faire le soir chez soi. Que, dans le Coran, le voile est une simple incitation à la pudeur. Le but serait d’amener certains musulmans à adopter la position : ni islam honteux ni islam arrogant. Cela signifie aussi que c’est à eux, en tant que minorité, de faire l’essentiel du chemin afin de s’adapter à la société française, et occidentale en général. On pourrait ainsi passer de l’intransigeance des convictions à la conjonction des intelligences afin de vivre en paix ensemble.
Le Monde