Éducation, moeurs, argent, conversion… Immersion à Mulhouse chez les adeptes d’un “islam ascétique et intransigeant”.
C’est un livre que Toufik*, 37 ans, adore montrer à ses enfants. Chaque illustration présente une scène de la vie ordinaire, les personnages vont au parc, déjeunent en famille ou apprennent à nager avec une bouée. Seulement, ainsi que l’exigent les préceptes du salafisme, ils n’ont pas de visage. Pas de nez, pas d’yeux, pas d’oreilles… rien qui puisse suggérer une représentation du divin sous forme humaine. Les enfants ont bien intégré la leçon et ont mis d’autres albums jeunesse en conformité avec ces principes. Ils ont barré d’un coup de feutre noir les regards des petits personnages du « Coran expliqué aux enfants ». […]
Dans la maison de Bourtzwiller, près de Mulhouse, toute la petite famille de Toufik et Caroline* vit au rythme de cet islam ascétique et intransigeant. Accroché au mur du salon, un diplôme fait la fierté de la famille. Ce troisième prix de récitation du Coran couronne les efforts du fils aîné, 10 ans. Ses trois soeurs et son frère le suivront peutêtre sur la voie de la sagesse…
Pas de télévision en vue, mais les enfants ont le droit de regarder des épisodes de « Goldorak », « Tom Sawyer » ou des « Mystérieuses cités d’or », jugés charia-compatibles par ce père pointilleux sur les questions d’éducation.
Barbe non taillée, pantalon remonté au-dessus de la cheville, calotte sur la tête, Toufik est un homme pieux, tourmenté par son salut et celui de ses proches. Aussi soupèse-t-il chacune de ses décisions avec gravité. Il lui arrive de décrocher son téléphone pour s’enquérir de la légalité religieuse de ses actes. Au bout du fil, la permanence téléphonique d’Abdelhadi Doudi, imam de la mosquée salafiste Sunna à Marseille. C’est ainsi qu’il a appris que la souscription d’un prêt immobilier ne serait jamais conforme à sa croyance, même un prêt certifié « finance islamique ». Alors il reste locataire. […]
Au lendemain des attentats de janvier 2015, il a fait un crochet par la place de la République pour y lire les messages. Ce qu’il y a lu l’a laissé dubitatif. Toufik ne s’est pas senti très Charlie. […]
*Les prénoms ont été changés
Le Point