Deal de crack, prostitution, violences quotidiennes… Porte de la chapelle : dans ce quartier du 18e arrondissement de Paris à forte population immigrée, l’ouverture d’un centre pour migrants à la mi-octobre sans consultation de la population est perçue comme une marque de mépris.
Elle est toute pimpante dans sa petite robe bleue. En cet après-midi du lundi 12 septembre, Anne Hidalgo, maire de Paris, présente le futur centre d’accueil pour migrants de la porte de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, à Manuela Carmena, maire de Madrid issue du parti des Indignés. Un projet qui fait l’objet d’un protocole entre l’Etat, la ville et les associations, notamment Emmaüs. […]
Pour cette visite, le grand barnum médiatique est de sortie et, face aux micros et caméras, Eric Lejoindre, l’édile local, va jusqu’à se féliciter de l’humanité de ses administrés, un peu inquiets de la création de ce centre, mais finalement compréhensifs : « Ce n’est pas ajouter de la misère à la misère, c’est amener une solution à un problème. D’ailleurs, c’est moi qui ai proposé que nous accueillions ce centre. »
Quelques jours plus tard, au Celtic, bar-tabac situé rue de la Chapelle, à 300 m du boulevard Ney où doit s’ouvrir cet espace pour migrants, Thierry, le patron, ouvre de grands yeux : « Comment ça, c’est lui qui a proposé ? Sans nous consulter ? Dans le XVIe, il y a eu une consultation quand ils ont voulu faire un centre pour SDF. Ici, on ne nous considère pas, la preuve. »
[…] L’annonce a d’autant plus choqué les riverains que le projet « Chapelle international », avec la construction de nouveaux immeubles, de terrains de sport, l’arrivée d’une société de dépôt et surtout l’implantation de l’université de sciences humaines Condorcet, devait apporter un nouveau souffle au quartier. […] De l’autre côté du boulevard, c’est le royaume du crack. A gauche de l’embranchement du périphérique, juste à côté du futur centre où les ouvriers travaillent d’arrache-pied pour terminer les travaux, un Caarud (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques). A droite, juste après le bowling, un petit chemin jonché de détritus et de mauvaises herbes mène à une station-service. Des rats, morts et vivants, un peu partout sur l’itinéraire, des prostituées hagardes, un souteneur avec des bras comme des cuisses, un petit groupe installé juste à côté du réservoir d’essence. […] Comme le dit Simona, une jeune étudiante italienne qui habite une des tours du boulevard, cet environnement risque d’être “déstabilisant” pour les réfugiés eux-mêmes.