Extraits d’une tribune de Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. Il s’inquiète de la montée du “populisme” et de “l’islamophobie”.
Il est important d’expliquer que l’islamophobie est la dernière chose dont nous avons besoin si nous voulons intégrer nos communautés d’immigrés, mettre un terme à la radicalisation et encourager la coopération des citoyens avec la police. De fait, l’EI n’aurait pu rêver meilleur recrutement ou plan opérationnel que l’islamophobie des populistes.
Pour une réponse efficace aux populistes, il faut s’attaquer aux vrais problèmes qu’ils soulèvent tout en rejetant l’affront à nos valeurs qu’ils représentent.
La démocratie doit être ancrée dans les droits humains. Pour beaucoup, c’est une évidence. Et pourtant, de plus en plus de personnes en Europe semblent considérer que la démocratie consiste simplement à gagner des élections et à faire tout ce que souhaitent les électeurs. La démocratie devient pour eux une sorte de « dictature de la majorité ».
Oui, chaque gouvernement doit refléter les aspirations de la majorité, exprimées lors d’élections régulières, libres et équitables. Mais il doit aussi être limité par les garanties qu’exigent la protection des droits humains et le respect de l’État de droit.
Certaines choses devraient être proscrites de l’action des gouvernements, même si elles sont soutenues par une majorité d’électeurs : appliquer la peine de mort, jeter des personnes en prison pour des motifs politiques, entraver leur capacité à s’exprimer et à se réunir librement, ou pratiquer des discriminations fondées sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la religion ou l’orientation sexuelle. Si l’on garde à l’esprit cette conception profonde, il est clair que la démocratie vit des heures sombres, tant en Europe qu’aux États-Unis, où aujourd’hui, la capacité à respecter les droits humains dépend, in fine, de l’adhésion du public. Or, plus que jamais au cours des trente dernières années au moins, de plus en plus de personnes remettent en question les principes des droits humains fondamentaux.
Les causes de cette intolérance croissante sont assez faciles à discerner. Nous traversons des temps d’insécurité économique, et nombreux sont ceux qui se sentent laissés pour compte. Ce sont aussi des temps d’insécurité physique, où des gens profitant d’une soirée à écouter de la musique dans une salle de concert à Paris, regardant un feu d’artifice à Nice ou attendant d’embarquer sur un vol à Bruxelles voient leurs vies stoppées nettes, juste parce qu’ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.
Enfin, ce sont aussi des temps d’insécurité culturelle, où l’arrivée d’un grand nombre de migrants génère la crainte d’une perte d’identité nationale ou européenne. Dans ces moments-là, l’on tend à se renfermer, à se réfugier parmi ses semblables, à fermer la porte aux autres. Cet instinct offre un véritable tremplin aux voix prônant la haine et l’intolérance, qui ont gagné un tel ascendant aujourd’hui. Malheureusement, de nombreux politiciens sont désireux d’exploiter ces peurs à des fins politiques. […]