Dans la nuit du 2 au 3 février 2014, un passeur iranien a été tué d’un coup de fusil sur la zone Marcel-Doret. Son procès se déroule depuis jeudi aux assises de Saint-Omer.
Si les policiers ont pu retrouver Kaveh en cavale, c’est en plaçant sur écoute le numéro d’une bénévole du secours catholique, qui avait hébergé l’accusé et la victime à l’occasion. L’un des policiers se marre encore en repensant à ces écoutes: « C’est une dame très bavarde : elle dit qu’elle ne parle pas au téléphone, mais en fait elle parle quand même! » Pour un ex-agent de renseignement, Kaveh n’est pas beaucoup plus prudent, puisqu’il ne cesse de la rappeler et laisse échapper qu’il a quelque chose de « grave » à lui dire. Finalement, après s’être fait beaucoup prier, madame accepte d’aller le chercher à La Panne à la fin du mois de mars 2014. La police Belge, alertée par ses collègues français, l’intercepte juste avant l’entrée en gare d’Adinkerke. Madame, elle, était suivie depuis Calais par les agents français…
Entendue par le tribunal comme simple témoin, cette bénévole-là est une femme de 69 ans, plutôt coquette, mais aussi très sourde, par moments…
« C’est un ami, j’ai jamais eu de problèmes avec lui ! Je savais par les on-dits qu’il était bagarreur, mais il n’a jamais été violent devant moi. Plutôt grande gueule, je dirais… » Le tribunal, qui pense tout de suite à mal, demande s’ils n’étaient pas un peu plus qu’ « amis ». « Comment ? », demande madame en dressant l’oreille, avant de nier avec véhémence quand on lui répète la question. Elle finit par admettre qu’elle a eu parfois peur de lui, quand il haussait la voix, rien de plus. Et que bon, on va pas se le cacher, elle a toujours eu un faible pour les mauvais garçons. Mais attention : « Je veux bien aider les gens mais je ne veux pas d’histoires… » Sur ce point, c’est raté, et la présidente cherche à l’entraîner sur le terrain moral : « Ça ne vous gène pas d’héberger des gens qui sont passeurs, par rapport à vos convictions ? » « Ah bah, faut être sûre, d’abord… » « Vous ne vous doutiez de rien? » « Pas au début, après j’ai eu des doutes… » « Oui, comme quand vous alliez le déposer sur la zone Marcel Doret… » La septuagénaire se débat, loyalement acquise à la cause de son protégé : « Je le crois incapable de tuer quelqu’un. » La présidente la renvoie aux pages d’écoutes téléphoniques, dans lesquelles elle confessait à une amie que Kaveh était « plus dangereux que je ne l’imaginais. » Madame incline la tête: « J’entends rien. » La présidente soupire : «Des fois, on entend pas parce qu’on n’a pas envie d’entendre… »
Merci à Reumun