04/10/16
[…] Sans surprise, les policiers mis en cause – un brigadier et un gardien de la paix en fonction à la brigade des réseaux franciliens, tous deux sans antécédents disciplinaires connus – contestent les accusations dont ils font l’objet. […]Guillaume Vadot, militant du NPA, était alors intervenu lors de l’interpellation d’une femme par la police nationale et la sûreté ferroviaire, « pressentant un débordement ». […]
Dans leur rapport, les deux policiers reviennent sur les conditions de l’interpellation de cette femme. Selon les fonctionnaires, Guillaume Vadot ne se serait pas contenté de filmer la scène, il aurait poussé la foule à l’émeute en criant : « Laissez-la tranquille bande de racistes ! C’est une sans-papiers, c’est pour ça que vous l’emmerdez ! (…) Allez, tous ensemble, on va récupérer cette innocente ! » […]
Dans sa plainte, que Le Monde a pu consulter, l’enseignant rapporte aussi qu’un des policiers lui aurait touché plusieurs fois les fesses et répété une dizaine de fois qu’il était un « pédé », une « sale pute », qu’ils allaient le « tuer », le « violer ». Des attouchements formellement démentis par les deux policiers : « Ayant chacun nos deux mains occupées par la clé de bras, disent-ils, nous n’avons pas touché les fesses de Vadot Guillaume. » […]
L’appel à témoin lancé par Guillaume Vadot a porté ses fruits. Ce week-end, son avocat, Me Slim Ben Achour, s’est entretenu avec M., un militant associatif de Seine-Saint-Denis proche de la « Brigade anti-négrophobie », présent à la gare RER de Saint-Denis le 22 septembre. […]
Accusés de "violences" par un doctorant de la Sorbonne, les policiers livrent une autre version
>> https://t.co/ediB2gx51y pic.twitter.com/OfcxmY95Ia— LCI (@LCI) October 4, 2016
26/09/16
“Ils ont menacé de me tuer”, témoigne un enseignant de la Sorbonne après une rencontre musclée avec des policiers dans les transports en commun franciliens.
Un enseignant de la Sorbonne a déclaré lundi lors d’une conférence de presse avoir été “insulté”, “agressé” et avoir reçu un coup de taser de policiers jeudi soir. Guillaume Vadot, 28 ans, a raconté avoir été témoin, à la sortie du RER D, de “l’interpellation d’une femme noire” par des policiers. Selon lui, la femme “poussait des cris stridents de douleurs à cause des menottes”, pour ce qu’il a interprété être, à l’origine, “un problème de ticket”.
Il décide de filmer la scène, à l’aide de son téléphone portable. C’est là qu’il raconte s’être trouvé “nez à nez avec un agent de police”, qui l’informe qu’il va procéder à “un contrôle d’identité”. L’enseignant dit avoir été alors immobilisé contre une porte par des policiers qui, selon lui, l’ont “insulté” et ont menacé de le “tuer” ou encore de le “violer”.
Vidéos effacées. Guillaume Vadot a dit avoir reçu des coups notamment à une cheville et à une cuisse, ainsi qu’une décharge de taser au niveau d’un bras, les policiers lui demandant “si ça piquait”. Avant de le relâcher, un des policiers a pris soin d'”effacer les deux vidéos” que l’enseignant venait de prendre, a-t-il poursuivi.
(…) Europe 1
Conférence de presse
23/09/16
Sans aucune vérification, Libé reprend l’info
Compte facebook de Guillaume Mazeau, maître de conférence à la Sorbonne
Il vient d’arriver cela à un collègue enseignant à Paris-1 (ça n’est pas moi!). Une scène horrible et impensable il y a quelques années. Le discours anti-flic primaire me fatigue. Mais à un moment il faut ouvrir les yeux.
“Je sortais d’une gare de banlieue avec une copine, en fin de journée. Au moment de passer les tourniquets, on entend des hurlements. Pas un cri normal, mais un cri de douleur, intense, et l’on comprend immédiatement qu’il se passe quelque chose. Comme tous les autres à côté de nous, mon regard est capté par la scène qui se déroule sur notre gauche. Une femme noire d’une cinquantaine d’années est menottée, et c’est elle qui hurle que les menottes lui broient les mains, qu’elle n’en peut plus. Entre elle et le petit attroupement d’habitants qui s’est formé, une trentaine de policiers équipés, avec un chien d’assaut. Il y a la sûreté ferroviaire et la police nationale.
Les gens sont inquiets, l’ambiance est très tendue, tout le monde demande ce qui se passe, pourquoi ils torturent cette femme en pleine rue. La scène est marquante, elle ressemble à cet été après l’assassinat d’Adama, ou aux images de la mobilisation aux Etats-Unis : une rangée de policiers, face à une autre rangée d’habitantes et habitants noirs de la ville. Ces derniers sont clairs, ils n’ont aucune confiance. Un homme raconte comment son frère a été interpellé sans raison, mis en garde à vue et violenté. Les flics nous disent de « nous casser ».
J’avais peur pour la victime de cette interpellation, peur de cette scène raciste, je voyais la police déraper à tout moment. J’ai sorti mon téléphone pour filmer, en me disant que cela pourrait cadrer les choses, faire baisser le niveau d’impunité. Ça n’a pas duré plus d’une minute. L’un des flics m’attrape par l’épaule gauche et me fait pivoter : « celui-là on lui fait un contrôle d’identité ». Je demande pourquoi, il m’arrache mon téléphone. Je lui dis qu’il n’a pas le droit de le consulter sans mandat de perquisition.
Mais tout s’accélère : dès qu’ils ont réussi à me tirer de leur côté du cordon formé par leurs collègues, ils se mettent à deux sur moi, chacun me faisant une clé à l’un des bras. Une douleur énorme me traverse les articulations. J’ai les deux bras torsadés dans le dos, avec ces deux hommes dans des positions qu’ils ont apprises, qui pèsent de toute leur force pour me plaquer contre le mur. A plusieurs reprises, ils m’écartent un peu et me rebalancent, pour que je me cogne. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait juste de m’intimider et de me mettre à l’écart. Mais ils ne relâchent pas. J’ai le souffle coupé et je ne proteste plus, je me dis qu’ils vont m’embarquer pour « outrage » ou « rébellion », et sont en train de chercher à créer des faits de toutes pièces.
Le pire en réalité n’était pas la douleur. Les deux flics qui sont sur moi sont surexcités. Et ils se lâchent. Crânes rasés, les yeux brillants, j’ai du mal à croire que la scène qui suit est réelle. « On va te tuer, tu es mort, on va te défoncer, je te crève là sur place dans dix minutes ». Et au fur et à mesure que les cartilages s’étirent sous la torsion, ils remontent mes poignets dans mon dos, et augmentent la torsion. Celui de gauche me met la main sur les fesses. « T’as cru que t’allais jouer avec la police ? Regarde comme on va jouer avec toi ». Et il me met une première béquille. Puis il remet sa main sur mes fesses. Avec les clés de bras, je ne peux plus respirer normalement. Nouvelle béquille. « On va te violer, ça te plaît ça ? Je vais te violer et on va voir si après tu filmeras la police ».
Ça continue. « Tu soutiens Daesh c’est ça ? ». « Quand ils vont venir tu feras quoi ? Tu vas les sucer ? ». « Faudra pas pleurer et demander qu’on te protège ». Je n’ai réalisé que plus tard qu’ils étaient en train de parler de Daesh…pour justifier leur attitude face à une femme racisée qui avait oublié son pass navigo.
Ils ouvrent mon sac et prennent mon portefeuille, le vident dans mon dos. Ils me prennent mes clopes en me disant de m’asseoir dessus. Ils trouvent ma carte de prof précaire à la fac. « T’es prof ? Quand l’Etat islamique viendra à la Sorbonne tu vas les regarder en te branlant ? ». Celui de gauche : « Regarde-moi sale pédé. Sale pute. Tu habites là-bas hein ? (il montre mon immeuble). Je vais venir chez toi, je vais mettre une cagoule et je vais te violer ». Je suis vraiment abasourdi, je pense qu’il a répété les mêmes menaces une bonne vingtaine de fois en tout. J’ai affaire à des flics politisés, des flics de l’état d’urgence permanent, qui se vivent comme en guerre contre Daesh, un Daesh qu’ils assimilent à toute personne racisée, et avec qui j’aurais pactisé en me solidarisant de leur victime du jour.
Ils montent encore d’un cran. « Maintenant on va te mettre des coups de tazer, tu vas voir comment ça pique ». Et, toujours celui de gauche, m’envoie une décharge dans le bras. Je sursaute, et je me mets à trembler. J’essaie de ne pas le montrer, je ne dis rien, mais la pensée qui me vient à ce moment est que la situation va peut-être déraper encore plus. Qu’ils vont me faire une autre clé, ou me frapper avec leur tonfa avant de m’embarquer. « Tu vas crever ». « Je vais t’enculer ». Avec toujours les attouchements. Et la douleur est telle dans les bras, les épaules, le dos, que je me dis que je dois me préparer à ce qu’une de mes articulations lâche.
Derrière, j’entends la copine avec qui j’étais qui crie, qui leur dit de me lâcher. Je voudrais lui dire de laisser tomber. J’ai une boule au ventre : qu’est-ce que ces tarés lui feront s’ils l’interpellent ? Mais entre-temps, l’attroupement a probablement un peu grossi, et le groupe de policiers doit savoir qu’il ne peut pas faire durer indéfiniment la situation. Celui qui me torsade le bras droit me dit : « Il faut qu’on chope la meuf, on la charge pour appel à rébellion ».
J’entends qu’ils discutent entre eux. Un des deux hommes me lâchent le bras et me dit : « Tu regardes le mur, si tu te retournes, si tu bouges, on t’ouvres le crâne ». Je ne bouge pas. « On va venir à la Sorbonne, on va vous exterminer toi et tes collègues, sale gauchiste ». Puis ils me retournent et je me retrouve devant les yeux exorbités du flic qui me tenait le bras gauche. « T’es contractuel sale bâtard ? On va te faire un rapport salé, ta titu tu peux te la mettre ». Je ne dis rien. Ils m’appuient sur la poitrine. « Maintenant tu déverrouilles ton téléphone et tu effaces la vidéo ». Je m’exécute, en me disant que c’est dans ma tête et pas sur ces images de l’attroupement statique que ce qui vient de se passer est gravé. Il m’arrache l’appareil, et ouvre le dossier photo, commence à tout regarder.
Puis tout à coup, le reste de leur groupe charge les habitants qui s’étaient regroupés. C’est rapide et extrêmement violent. Je vois leur chien se jeter sur les gens, et eux avec les gazeuses et les tonfas. Tout le monde fuit, en panique, y compris les personnes âgées. Les deux policiers qui m’ont agressé me jettent mon portefeuille et son contenu à la figure et partent en courant. Je craint pour mon amie, je ne la vois pas. Mais je l’aperçois finalement qui revient, elle avait réussi à s’échapper. Rien à faire d’autre que rentrer chez nous, la rage au ventre, et tout le torse ankylosé et douloureux. Je me dis que cette police raciste serait allée encore plus loin si j’étais racisé. Un homme nous explique que c’est comme ça dans toute la ville depuis ce matin. « Vous voyez on ne fait rien, mais ils tabassent des gens au hasard pour susciter des troubles ». On se réconforte mutuellement, se souhaite bon courage. Il en faudra ; mais on n’en manque pas.”