Faute “d’adultes référents”, les jeunes des cités n’ont plus affaire qu’à des caïds et à des policiers, estime l’anthropologue et éducateur Amar Henni. Les travailleurs sociaux doivent donc d’urgence, selon lui, intervenir hors de l’école pour les sortir de l’intégrisme ou de la délinquance. Aucune allusion n’est faite au rôle des parents.
Dans un contexte marqué par les attentats, les récents affrontements entre jeunes et policiers dans les banlieues françaises, l’agression de quatre fonctionnaires à Viry-Châtillon (Essonne) ont ranimé l’éternel débat sur les mythes des « zones de non-droit ». Cependant, parler de « ghettoïsation » n’est pas approprié. La question centrale est celle de l’éducation, et nous devons réinvestir cette question éducative, pas seulement dans le cadre scolaire, mais aussi en dehors de l’école avec des professionnels.
Il existe chez certains jeunes ce que j’appelle une « banalisation de la mort », apparue dans le milieu des années 1980. La désindustrialisation et l’intrusion de l’héroïne dans les quartiers ont fait des ravages. Ce sont des milliers de décès qui ont été passés sous silence ; ils n’ont pas compté comme des enfants d’ouvriers mais comme des « toxicos » ou des voyous. […]
Ce n’est pas un hasard si, à nouveau, nous parlons de « cités de non-droit » ; c’est là une façon de convoquer le mythe du ghetto. Le ghetto sous-entend que l’on regarde ses habitants à travers le prisme de l’immigration, de la délinquance ou des terroristes potentiels. Des catégories de « sous-Français » se dessinent. Elles occultent le recul de l’Etat dans ces quartiers et favorisent les raisonnements punitifs, au détriment des valeurs éducatives.
En dehors de toute culture de l’excuse, nous devons prendre en compte la vulnérabilité de ces enfants et de ces jeunes en rupture, comme la nécessité de les protéger d’eux-mêmes. Toute sanction doit permettre de sortir de cet état temporaire qu’est la délinquance par des mesures éducatives. Maintenir un principe éducatif est essentiel, en particulier en dehors de l’école avec des jeunes qui en ont été écartés ou qui s’en sont écartés. […]