Les décodeurs du monde publie une “analyse sémantique” dudiscours prononcé par Marine Le Pen (qualifiée de « candidate d’extrême droite ») lors de ses Estivales, à Fréjus (Var), le 17 septembre. 16 rubriques sont examinées : l’immigration, le multiculturalisme, l’ennemi intérieur
Marine Le Pen l’assume : elle veut prendre le pouvoir. La perspective semble encore lointaine, en l’absence d’une majorité dans le pays ou d’alliés susceptibles de lui offrir ce strapontin, mais dire les choses, c’est déjà leur donner un semblant de réalité. […] La prétention de Marine Le Pen est parfois vue avec dédain par ses adversaires, mais les résultats électoraux du FN, en constante progression, des cantonales de 2011 aux régionales de 2015, incitent à considérer le parti d’extrême droite. Les sondages aussi, qui annoncent depuis trois ans la présidente du Front national présente au second tour de la présidentielle de 2017. Dès lors, il semble nécessaire de prendre au sérieux ce qu’elle a à dire.
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#1 : Une nation organique
Ce qu’elle a dit
« C’est en candidate du peuple que je me présente devant vous (…) Le peuple français, c’est vous et c’est nous. Ce sont des millions d’hommes et de femmes fondamentalement unis par des liens invisibles mais irréductibles, unis par l’amour d’un pays, par l’attachement à une langue et une culture, un
peuple c’est un seul cœur qui bat dans des millions de poitrines, c’est un même souffle, une même espérance. »
Ce que ça veut dire
Dès le début de son discours, Marine Le Pen décrit sa conception du peuple, qu’elle voit comme un tout homogène et immanent, des hommes et des femmes « unis par des liens invisibles mais irréductibles (…) par l’attachement à une langue et à une culture ». En clair, la députée européenne promeut une conception organique de la nation, que l’on oppose à celle basée sur l’adhésion à des valeurs communes. « Cela ne veut pas dire qu’elle rejette la citoyenneté contractuelle, mais elle y pose des limites », analyse le politologue Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques.
#4 : Un ennemi intérieur
Ce qu’elle a dit
« Nous, citoyens français, nous, peuple français, ne décidons plus de notre destin. Nos lois ne sont plus nos lois, nos codes et nos mœurs ne sont plus nos codes et nos mœurs, et la politique de la France est trop souvent dictée de l’étranger. »
Ce que ça veut dire
L’extrême droite a pour coutume de désigner deux ennemis : intérieur (le Parti communiste, par exemple) et extérieur (l’Union soviétique, dans le même ordre d’idée). I ci, Marine Le Pen pointe de manière allusive un ennemi intérieur, que l’on perçoit comme étant le résultat de l’immigration : il n’est pas « de France », n’aurait pas ses « codes », ses « mots », commettrait des « crimes » et mettrait à mal « l’intégrité du territoire ». […]
Le Monde