Tribune d’Amine Elbahi, “conseiller citoyen à Roubaix”, sur sa sœur partie en Syrie rejoindre les rangs de l’Etat islamique.
Il a vu sa sœur embrigadée par Daech comme d’autres jeunes issus de quartiers et lance un appel : qui peut croire que la religion n’a aucune influence dans les quartiers abandonnés par l’Etat ?
Les débats nauséabonds sur la déchéance de nationalité ont renforcé le sentiment d’exclusion des jeunes, faisant d’eux des Français au statut particulier, des Français de papier.
Française, elle qui a tant aimé son quartier, sa ville et son pays, elle est partie. Partie à l’aventure. Du haut de ses 20 printemps, pourtant élevée par une mère dévouée bien que seule, pourtant scolarisée dans le seul établissement non classé en zone d’éducation dite prioritaire, elle est partie en Syrie. Partie défier la République qui n’a pas pu la retenir. […]
Nous habitons à Roubaix, la ville française la plus pauvre. Ma grande sœur ne savait vers quoi s’orienter après avoir échoué en première année de droit. Elle avait pris une année de césure, le temps de donner un sens à son avenir. Elle a finalement décidé de se lancer dans la pratique du culte musulman. Sa radicalisation a été soudaine. Après être passée d’un simple tapis de prière, elle s’est mise à porter le voile, puis le voile intégral, le niqab. Elle fréquentait deux mosquées de la commune, connues pour des liens passés ou présents avec le salafisme. Elle se procurait des livres parfois interdits sur le territoire national dans les librairies islamiques de Roubaix ou de Belgique. Son recrutement aurait été effectué par l’intermédiaire de personnes surveillées par les services de renseignement. […]
Au lendemain des lâches attaques commises contre le journal Charlie Hebdo, Daech croyait nous mettre à genoux, nous étions debout : debout les mères, debout les pères, debout les enfants ! Nous étions quatre millions, debout, à Paris, sur la place de la République. Quatre millions pour réécrire l’histoire et prouver la force de la nation ! Seulement, personne n’a réellement tiré les leçons du passé. […]
Pour contrer ce discours, permettez aux enfants d’ouvriers d’avoir les mêmes chances de réussite que les enfants de riches. Permettez-leur d’adopter le même parcours d’excellence que le vôtre. Permettez-leur de décrocher un travail sans que leur nom, leur sexe, leur adresse ne suffisent déjà à les écarter. Dans le même temps, les millions de compatriotes musulmans doivent être protégés de ceux qui agissent en leur nom. Citoyens par le sang reçu, d’autres le sont par le sang versé : ils priaient Allah et ont été tués avec l’amour que nous portons tous pour le drapeau tricolore. Le défi pour la République, c’est aussi d’affirmer ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas sur son territoire. […]