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A une semaine du scrutin présidentiel aux Etats-Unis, l’entrepreneur star de la tech californienne Peter Thiel a décidé de mettre des mots sur son sulfureux soutien au candidat Trump. Un soutien perçu comme une hérésie dans la très progressive Silicon Valley.

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Lorsque le 21 juillet 2016, le visage de Peter Thiel, co-fondateur du système de paiement en ligne Paypal et investisseur avisé de la Silicon Valley, est apparu sur l’écran géant du Quicken Loans Arena de Cleveland, nombre d’entrepreneurs entre Oakland et San Francisco en ont avalé leur bagel de travers. On savait l’homme imprévisible et chantre de toutes les libertés. On lui connaissait un flair formidable, ce « sentir les choses » qui lui avait fait mettre, le premier, un petit billet – de 500 000 dollars tout de même – sur une jeune société en pleine croissance en 2004, Facebook.

Et voilà que s’avance prestement à la tribune, ce jour de juillet, devant un parterre de supporters républicains chauffés à blanc, l’enfant du pays – il a grandi en partie à Cleveland -, un presque quinquagénaire bien mis quoiqu’un brin stressé, la déclamation raide : « Je ne suis pas politicien, mais Donald Trump non plus, il est un bâtisseur, et il est temps de rebâtir l’Amérique. »

Des voix se sont élevées pour que le « visionnaire » de la tech, pourtant investisseur de la première heure dans Facebook, soit évincé du conseil d’administration de la firme de Zuckerberg, forçant ce dernier à diffuser un mémo interne expliquant « qu’on ne peut pas créer une culture qui dit que nous tenons à la diversité puis qui exclut presque la moitié du pays parce qu’elle soutient un candidat. »

Peter Thiel n’en est en réalité pas à sa première apparition dans l’arène politique, et est encore moins un inconnu chez les républicains. Bien que beaucoup moins exposé qu’en cette année 2016, il avait auparavant ardemment soutenu la candidature du libertarien Ron Paul en 2008 et 2012, avant de prendre partie pour le milliardaire Romney, avec qui, depuis, il a investi dans une société spécialisée dans la « smart home ». Localement, en Californie, il a aussi misé sur quelques conservateurs qui partagent ses idées.

Seulement cette fois, le candidat des républicains est un outsider, étranger au sérail, et dont le franc-parler et les propositions ont jeté le malaise jusqu’au sein du comité le plus reculé du « Grand Old Party ». « Il n’est pas humble », concède timidement Thiel, avant de reconnaître que les propos de Trump diffusés le mois dernier – mais datant d’il y a dix ans – sur les femmes étaient « inappropriés ».

Mais le tempérament est moins important que la vision, selon Thiel, qui a plutôt fait l’éloge de Trump le businessman, jugeant plus que positivement son action dans un secteur – l’immobilier – très difficile, et « très éloigné de la tech », son propre domaine de compétence. Et comment Thiel pourrait reprocher le manque de tact du milliardaire new-yorkais, quand lui-même est accusé d’avoir coulé financièrement le site d’infomation américain Gawker, qui avait révélé son homosexualité en 2007, en finançant à hauteur de 10 millions de dollars le procès de l’ex-catcheur Hulk Hogan contre la publication ?

Ce qui le préoccupe, et dont il préfère parler, c’est la situation dans laquelle est embarquée l’Amérique, un « Titanic » sur lequel les politiciens sont seulement « occupés à réarranger les chaises du pont ». En bon libertarien, Thiel a égrainé ses griefs contre la sécurité sociale et son coût exorbitant, tout aussi exorbitant que la dette qui plombe les étudiants, des revenus qui stagnent alors que les taxes explosent, et « Washington et sa banlieue », si éloignées des préoccupations de l’Américain moyen. Si le vocabulaire est « trumpesque », c’est aussi une constante chez lui : en 2009, dans un pamphlet intitulé « L’éducation d’un libertarien » et publié dans la revue Cato Unbound, il esquissait déjà ces « espaces de liberté » (dont le « cyberespace » fait partie) qui permettraient à l’individu de s’affranchir du politique.

Une pensée aux confins du monde politique américain, mais qui trouve, au gré des échéances politiques, un écho dans les milieux conservateurs. Une pensée surtout construite par le débat, dont le milliardaire raffole, dit-on, et une véritable passion pour la philosophie, lui qui a eu pour mentor, à Stanford, René Girard, père de la « théorie mimétique ». Sur le campus de Palo Alto, les héritiers du philosophe français se disent d’ailleurs déboussolés par la prise de position de leur ancien camarade. Un libertarianisme finalement basique, pourfendeur des limites : l’homme adhère au transhumanisme (la mort ? il est « fondamentalement contre »), refuse les théories communément admises sur le réchauffement climatique et se positionne en faveur de la légalisation du cannabis.

Rien d’étonnant alors que l’anti-establishment de Trump le séduise. Sa carte de visite estampillée « Silicon Valley » n’est pas non plus pour déplaire au candidat républicain. S’il est une vraie prise de guerre, Thiel n’entend pas pour autant enfiler l’habit si inconfortable du politique : il souhaite avant tout rester ce gourou de la tech, au profil décidément atypique.

RFI

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