Il est certain que la réforme de 2008 a profondément désorganisé le renseignement ouvert, et l’a dévitalisé au profit de l’espionnage intérieur (la DGSI). Sarkozy n’a pas été le super-ministre de l’Intérieur et président-ministre de l’Intérieur qu’il aimait à mettre en scène. Et le renseignement territorial ne s’en est toujours pas remis. Mais, la coupure police-population qui entrave le fait d’être bien renseigné est antérieure à M. Sarkozy. Et n’a pas été corrigée par les socialistes.
Les résultats des travaux que j’ai menés montrent une défiance considérable de la part de la population musulmane en particulier, et encore plus chez les jeunes de cette confession. C’est inquiétant, car on est aujourd’hui à la recherche de moyens de capter et d’interpréter des « signaux faibles » de la radicalisation, et par définition ils échappent à la DGSI qui traite des cas graves.
Le discours libéral ne produit pas d’identité nationale. Dans les études que j’ai réalisées, il apparaît clairement que les jeunes qui ne s’identifient pas ou peu à la nation sont ceux qui n’adhèrent pas aux valeurs de liberté de choix – ils préfèrent le conformisme au dogme religieux –, et d’égalité – en particulier entre hommes et femmes – ; ils se reconnaissent nettement moins dans la nation française (cf. graphique n° 2).
Aux clivages économiques viennent donc s’ajouter des clivages ethniques et religieux en France. Ils sont très marqués, parfois spectaculaires. Les athées et les musulmans sont à longue distance les uns des autres en termes de valeurs. Et les tensions ne sont pas plus limitées dans les zones de plus grande mixité. La manière de construire une identité de nation dans ces conditions sera forcément nouvelle.
Une police inégalitaire devient « séparatiste » : au lieu de renforcer l’idée qu’il existe des règles partagées, et donc favoriser la cohésion, elle indique que l’égalité n’est qu’un mythe. Si le gardien des règles viole les règles essentielles de la démocratie, alors comment être surpris de l’animosité à la fois vis-à-vis de la police et du pouvoir ? C’est pourquoi l’égalité devant la police est essentielle. Elle commence par les contrôles d’identité. Les études les plus rigoureuses montrent l’existence d’une discrimination ethnique lors de ces contrôles en France. […]
Merci à Lilib