Le 13 novembre, ils étaient venus pour une entorse et se sont retrouvés au cœur d’un attentat. Cible des jihadistes et premiers sauveteurs sur place, ces trois pompiers ont surmonté leur panique pour venir en aide aux victimes.
Ce soir-là, le caporal-chef Christophe, le caporal Loïc et Arthur sont envoyés dans un supermarché à quelques mètres du restaurant Le Petit Cambodge et du Carillon. Ils soignent l’entorse d’une employée quand éclatent les tirs. La scène ne dure que “deux, trois minutes“.
“En plein Paris, on ne s’attend pas à ça, mais en quelques secondes on réalise“, se souvient Arthur, 22 ans. Le caporal-chef Christophe, 27 ans, était en train de traverser la chaussée. “J’ai tilté quand j’ai vu les étincelles sur les murs de l’hôpital Saint-Louis“, voisin. Il se réfugie sur le marche-pied à l’arrière de l’ambulance. […]
Une balle transperce le pare-brise et vient se loger dans l’habitacle. Deux autres vont dans l’aile et le côté de la camionnette. “Je me suis dit ‘cache toi’. J’ai éteint mon cerveau. J’ai cru que j’allais crever… Quand la porte s’est ouverte sec (sur le caporal-chef), j’ai eu la peur de ma vie.“
Les tirs cessent. “J’arrive sur le carrefour. Je vois 50… 60 personnes par terre. C’est tellement énorme. Au milieu de la rue, il y a cette femme au volant de sa voiture qui s’est retrouvée face à celle des terroristes… Je fais un premier bilan approximatif: 15 morts. Je dis aux gars ‘ne vous occupez que des gens conscients‘”, raconte le caporal-chef.
Calmement, il transmet les informations à la radio. Il s’étonne aujourd’hui d’avoir respecté la procédure. Et d’avoir vu ses deux hommes s’exécuter dans ce “chaos”, faire mécaniquement les gestes de secours maintes et maintes fois répétés. “On voyait qu’il y avait eu un mouvement de foule. Toutes les chaises étaient par terre, dans le bar ils étaient tous entassés les uns sur les autres“, se souvient Loïc, 24 ans. Eux qui n’ont jamais vu de blessures par balles doivent “prioriser” les blessés.
La “médecine de guerre” commence. On les appelle à l’aide, les agrippe. Arthur, débordé, répond: “‘On n’a que deux mains, je fais ce que je peux’. Y’en a qui vous appellent à deux mètres, mais y’en a 15 autres avant. Ils ont tous reçu des balles…” Un doute étreint Christophe: “Si les mecs repassent, on est tous dedans.” Les renforts arrivent enfin. Après près de cinq heures de soins, ils rentrent “rincés par la vie”.
Quatorze personnes ont péri là-bas. Arthur n’oubliera jamais ce “couple de jeunes amoureux allongé sur le côté en train de se regarder. La fille, la vingtaine, avait pris une balle dans le poignet. Son copain était en train d’agoniser. Elle m’a supplié de l’aider, j’ai fait quelque chose, mais c’était plus pour elle, je savais que c’était fini pour lui“, explique-t-il.
“On s’est retrouvés victimes et sauveteurs“, analyse Christophe qui a découvert “un sentiment que je connaissais pas: un gros sentiment d’insécurité”. En silence, ses collègues approuvent. “Lié” pour toujours à ces deux hommes, le caporal-chef ne sait plus s’il les a même félicités. Il lève les yeux vers eux: “Si ça a pas été fait, les gars, je suis désolé. Je suis fier de vous, oui.” Le lendemain, quelqu’un a glissé sous la porte de la caserne un mot qu’ils n’oublieront pas. “Vous êtes des héros.“
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