[…] Au premier semestre, la permanence de prévention du suicide chez les agriculteurs Agri’écoutes a reçu 1.700 appels, soit une moyenne de 285 appels par mois contre une centaine par mois sur la même période, en 2015. Ce quasi-triplement est toutefois relativisé par la Mutualité sociale agricole (MSA), qui rappelle notamment que ce dispositif lancé en octobre 2014 n’a commencé à être connu qu’à compter des mois de mars/avril 2015.
L’importante crise économique agricole mène parfois les agriculteurs à s’interroger sur leur utilité. “Il y a une interrogation dans les campagnes sur le sens de notre métier : on est là pour faire quoi?”, a déclaré Pascal Cormery, président de la MSA lors d’une conférence de presse mardi, allant jusqu’à évoquer une “résignation complète” des membres de la corporation. “Beaucoup de mes collègues me disent : Est-ce qu’on a vraiment besoin de nous ? Est-ce qu’on sert vraiment à nourrir la population?“, ajoute M. Cormery.
Autre signe de la précarité croissante dans le monde paysan, l’explosion de la demande de primes d’activité, le nouveau dispositif pour les travailleurs à revenu modeste qui a remplacé le RSA activité. Alors que la MSA attendait 60.000 demandes pour l’ensemble de 2016, elle en est déjà à 200.000 depuis le début de l’année.
L’explosion des demandes s’explique assez facilement : en 2015, 30% des agriculteurs imposés au régime réel ont eu des revenus équivalents à 354 euros par mois. En 2014, ils étaient 18% dans cette situation, relève la MSA, inquiète de l’évolution pour 2016, alors que les chiffres concernant les récoltes de l’année n’en finissent pas de dégringoler.
Si, au départ, les exploitants étaient les plus nombreux à appeler pour se confier, la MSA note que ce sont désormais le plus souvent les épouses qui contactent Agri’écoutes. “Les hommes ont sans doute plus de pudeur, ou de fierté. Il est très difficile de s’avouer qu’on est en échec professionnel”, explique Michel Brault, directeur général de la MSA. “Lorsqu’il n’y a plus de revenus qui rentrent, un fort endettement, l’homme n’ose plus appeler. Il se réfugie dans le travail, ne s’occupe plus des papiers, des échéances, c’est le conjoint qui est confronté à cela”, ajoute-t-il. […]
(Merci à julius tomatojus)