Article du Monde sur les électeurs de Marine Le Pen dans l’Aisne. S’ils n’apprécient pas tous Donald Trump, sa victoire à l’élection américaine leur donne cependant espoir.
Sur les terres agricoles et industrielles de l’Aisne en crise, les scores du Front national progressent aussi vite que le taux de chômage, qui frôle les 14 %. Et comme Fredy Deguin-Dawson, militant FN, ils sont nombreux dans ce département des Hauts-de-France à espérer que le scrutin américain libère le vote frontiste : «Si les Américains l’ont fait, alors, nous aussi, on peut !», lance cet ancien conducteur de train de 58 ans, qui jubile encore, six jours après l’élection de Donald Trump. Il n’est pas le seul à voir la victoire du candidat républicain à la présidentielle américaine comme un bon présage. Ici, Marine Le Pen est décrite comme une version française plus «sensée» et plus «modérée», susceptible de l’emporter en 2017.
«Il y a encore quelques années, on ne pouvait ‘boîter’ que la nuit. Aujourd’hui, on peut le faire en plein jour, sans se cacher, grâce à Marine. » (Fredy Deguin-Dawson, militant FN)
Dans cette ville d’environ 14 000 âmes, les commerces de l’avenue Jean-Moulin, autrefois l’une des plus vivantes du centre-ville, sont fermés. Quelques jeunes font vrombir leurs scooters dans le parc derrière la mairie. «Dans le coin, commente le patron du café Le Malboro, on est nanti quand on a un boulot. » Dans cet ancien nœud ferroviaire qui faisait vivre plus de 4 000 cheminots ne restent désormais que quelques centaines d’employés de la SNCF. […]
Au chômage malgré sa double formation en productique mécanique et en froid et climatisation, Yoan Lenglet, 35 ans, habite avec sa mère dans le quartier de Fargniers, à Tergnier. Issu d’une famille d’ouvriers de gauche, il a voté pour François Hollande en 2012. En novembre 2014, il a rejoint le FN, sans même passer par la droite. Il a « basculé » lorsqu’il était au chômage et qu’il a eu le temps de se pencher sur la chose politique : il est arrivé à la conclusion que le protectionnisme prôné par le Front national était sa seule chance de trouver un travail. «On en a ras le bol, comme les Américains», dit-il. Alors, le matin où la victoire de Donald Trump a été annoncée, il a sauté de joie. «Je me suis dit : génial, on va gagner ! Tout le monde le donnait perdant, et tout le monde a eu tort. Ce sera pareil pour nous. »[…]