L’inculpation pour « blasphème » contre l’islam, mercredi 16 novembre, Basuki Tjahaja Purnama (surnommé Ahok), 50 ans, chrétien et d’origine chinoise, illustre la fragile harmonie sociale et religieuse du plus peuplé pays musulman du monde.
Il est jeune, chrétien, d’origine chinoise et très populaire à son poste de gouverneur de l’immense capitale indonésienne de Djakarta. Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, soupçonné d’avoir insulté le Coran le 27 septembre dernier lors d’un meeting électoral, a été inculpé mercredi 16 novembre de blasphème par la police indonésienne et devra s’expliquer devant la justice. Cette surprenante décision a été annoncée moins de deux semaines après une grande manifestation d’islamistes émaillée de violences qui appelaient au procès de Ahok. […]
(Manifestation contre le gouverneur Basuki Tjahaja Purnama, à Djakarta, le 4 novembre 2016. Sur le panneau, est inscrit « Mettez Ahok en prison. Cela résoudra les problèmes. » )
Issu d’une double minorité – chrétien et d’origine chinoise – le gouverneur au franc-parler avait déclaré fin septembre que l’interprétation par certains oulémas (théologiens musulmans) d’un verset du coran selon lequel un musulman ne doit élire qu’un dirigeant musulman était erronée. Cette déclaration a provoqué de vives réactions parmi les musulmans partisans d’une ligne dure de l’islam, notamment le groupe Front de Défense de l’Islam qui a demandé au président Widodo, lui-même ancien gouverneur de Djakarta, d’emprisonner Ahok.
Face à l’ampleur prise par la polémique alimentée par des fondamentalistes musulmans, Ahok s’était excusé publiquement. […]
Reste qu’il risque gros car être « suspect », selon la loi indonésienne, signifie que les autorités ont assez de preuves pour le juger et la plupart du temps le condamner. De plus, l’accusation de « blasphème » en Indonésie, où vivent 250 millions d’habitants à 90 % sunnites, est considérée comme un « crime ». Selon Amnesty International, il y a eu 106 accusations de blasphème entre 2004 et 2014 et plusieurs personnes ont été condamnées à des peines allant jusqu’à cinq ans de prison. […]