Extrait du bloc-notes de Bernard-Henri Lévy dans Le Point intitulé ” Qu’est-ce que le populisme ? (A suivre)”. Pour l’écrivain, le populisme, “chose bouffie, nationaliste et anti-élites, prélude à la haine et à l’exclusion, est la maladie des démocraties en panique”.
Le populisme est une propédeutique de la haine, de l’exclusion et, au bout du compte, du racisme
Le populisme pose (premier théorème) : le peuple sait ce qu’il veut. Puis (second théorème) : il a, quand il veut, toujours raison. Mais encore faut-il (postulat) que ce soit lui, vraiment, qui veuille. Et encore faut-il (corollaire) que rien n’entrave ce juste vouloir.
Le populisme, en d’autres termes, dit à la fois : confiance illimitée dans les ressources et le génie du peuple. Et : méfiance à l’endroit de tout ce qui pourrait traduire, dénaturer, différer la juste expression de ce peuple qui, laissé à lui-même, libre d’entrave, vise et voit naturellement juste.
Traduire ? Les intellectuels, les élites. Et c’est pourquoi le populisme est, toujours, un anti-intellectualisme, une réaction anti-élites.
Dénaturer ? La mauvaise langue. La langue de bois. Et c’est pourquoi, de Tsipras à Le Pen, de Trump à Mélenchon, le populisme en appelle toujours à la langue vive contre la langue vide, à la langue crue, truculente, contre la langue supposée morte, écrasée par les tabous, du politiquement correct. […]
Ah, songe le populiste, si l’on pouvait, une bonne fois, remplacer l’élection par les sondages !
Si l’on pouvait transformer la république en jeu télévisé ; l’élection, en plébiscite ; l’audience, en Audimat – si l’on pouvait en finir avec le peuple et sacrer le gros animal de Platon ou cette plèbe qui, selon les sophistes, devait remplacer le demos. La plèbe ? Le vrai peuple. L’Audimat ? Le plébiscite ? Autant de modes d’une unique substance : la société conçue comme un corps plein, ébloui par le spectacle de sa propre présence à soi. […]
Le Point