En marge de son intervention devant les évêques de France réunis en assemblée à Lourdes le 8 novembre, le cardinal français de la Curie romaine, Jean-Louis Tauran, s’est entretenu avec une poignée de journalistes sur les relations entre chrétiens et musulmans. Extraits.
Nous avons essayé de voir les difficultés. Mais j’ai aussi insisté sur les signes d’espérance. Car il y a quand même des choses qui sont positives. En 2015, les chiites d’Iran ont pris spontanément l’initiative de traduire en langue farsie le Catéchisme de l’Église catholique pour mieux nous connaître. […]
Il n’y a malheureusement pas que des expériences positives…
Tout cela est évidemment fragilisé par le terrorisme. Il ne faut pas se faire d’illusion, le terrorisme mine un peu le dialogue. J’ai raconté cet épisode d’une religieuse à Versailles qui faisait ses courses dans un supermarché. Elle a heurté le Caddie d’une femme musulmane voilée. Elle lui a dit : « Pardon Madame, excusez-moi. » La femme musulmane lui a répondu : « La prochaine fois… », et elle a fait ce geste [le cardinal, de la main, fait le signe de l’égorgement, Ndlr]. C’est cela que les gens voient et retiennent. Ce n’est pas ce que nous disions lors de nos dialogues et de nos réunions. C’est cela qu’il faut absolument éradiquer de toute part : cette violence, ce caractère primitif. Nous sommes condamnés au dialogue.
Condamnés au dialogue, n’est-ce pas un peu fort ?
Ou c’est le dialogue, ou c’est la guerre. L’autre jour, un professeur à l’Université de Tunis disait à ses étudiants : « Faites attention à ne pas casser vos crayons car si vous n’avez plus de crayons, qu’aurez-vous dans la main ? Vos couteaux. » C’est une très belle image, pleine de vérité.
[…]
Je me souviens d’avoir rendu visite à l’archevêque de Rennes qui avait organisé une rencontre avec des musulmans. Il y avait tous les représentants des communautés musulmanes. L’intéressant, c’est que la plupart étaient professeurs dans des collèges catholiques, ils enseignaient les mathématiques, les sciences physiques… Et le représentant de la communauté turque m’a dit ceci : nous n’avons pas de problème d’intégration, nous sommes très heureux, nous travaillons. Mais avec les Français, dès qu’on parle de religion, ils sont embarrassés…
Pourquoi ? Parce que pour les Français, la religion, c’est du domaine du privé. Alors que pour les musulmans, cette privatisation de la religion, ça n’a évidemment pas de sens. Pour eux, la religion englobe tout. Y compris le politique.
Famille chrétienne