Atlantico : Selon un sondage mené auprès de 3 000 Britanniques d’obédience musulmane pour Policy Exchange, 96% ne croiraient pas dans la version officielle des attaques du 11 septembre 2001. Pour 31%, c’est le gouvernement américain qui en est à l’origine et non Oussama Ben Laden, 7% que les attaques sont le résultat d’un complot juif, et 58% ne se prononcent pas. Comment expliquez-vous ces résultats ? De quoi sont-ils le symptôme selon vous ?
Guylain Chevrier : Dans le prolongement des enquêtes précédentes, on voit clairement se dessiner une fracture entre l’Angleterre et une partie des musulmans qui y vivent, et cela n’a rien du fantasme. On voit se révéler, une fois de plus, tout le décalage entre une sphère politico-médiatique qui ne voit rien venir, obnubilée par le politiquement correct (Brexit, élection de Trump, terrorisme religieux menée par des nationaux d’origine étrangère…) avec à l’opposé, une réalité bien différente qui s’impose de façon de plus en plus nette.
Le fait que, dans cette enquête, un musulman britannique sur quatre ne croit pas qu’un extrémisme des musulmans puisse être responsable des attaques terroristes en lien avec l’Etat islamique, en dit long sur le déni de la responsabilité du religieux ici. Un argument qui est en général celui de ceux qui font passer leur croyance avant les règles de la société dans laquelle ils vivent, car remettre en cause leur religion remettrait en cause un mode de vie communautaire entièrement centré sur le religieux. Ce qui met à jour un impensé dangereux, qui reflète l’absence de débat sur les enjeux qui traversent la place de l’islam comme religion dans la société, qui selon sa forme, selon ce qu’elle fait passer avant ou après, loi civile ou religion, est favorable à l’intégration dans la communauté nationale ou à son rejet, avec toutes sortes de conséquences.
Parallèlement, le fait qu’un musulman britannique sur quatre ne distingue pas l’extrémisme musulman comme cause des attentats, ne serait-il pas le reflet de cet état d’enfermement dans un communautarisme où le salafisme est prépondérant, qui fabrique une plus grande proximité des mentalités avec ces extrémistes qu’avec la société dans laquelle ils vivent, sans même qu’ils n’en aient conscience ? D’autant qu’ils sont fréquemment, par antennes paraboliques interposées, plus branchés sur les informations venant de pays musulmans, que sur celles du pays où ils sont établis. En avril 2016, une enquête menée au Royaume-Uni publiée dans le Times, posait la question de savoir si les musulmans britanniques ne constituaient pas une « nation dans la nation » ? 52% des musulmans interrogés estimaient que l’homosexualité devrait être illégale et 23% favorables à introduire la charia au Royaume-Uni. Elle révélait aussi que seulement 34% des musulmans seraient prêts à dénoncer une personne qui a des liens avec le terrorisme en Syrie.
Dame Louise Casey, membre du gouvernement britannique en charge des questions d’intégration, a publié une étude révélant que 75% des musulmans vivant totalement coupés du reste de la société pensent que le Royaume-Uni est un pays islamiste. Comment est-il possible de laisser des communautés ainsi vivre en totale rupture avec la société dans laquelle elles vivent ? Faisons-nous face, en France, à une telle rupture de certains pans de la communauté musulmane qui, comme en Grande-Bretagne, vivent sans jamais quitter leur quartier, disposant de leurs propres écoles, de leurs propres chaînes de télévision, etc. ? Quelles conséquences cela a-t-il sur la perception du pays dans lequel ces communautés sont installées ?
On a laissé s’installer progressivement une situation de mise à part, ces fameux « ghettos ethniques et sociaux » qu’a évoqués le Premier ministre lors du discours qu’il a prononcé au lendemain des attentats de janvier 2015. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, a fait état « d’une centaine de quartiers pouvant potentiellement être des Molenbeek français », au lendemain des attentats de Bruxelles en mars 2016. Les mosquées de ces quartiers ne sont pas toujours des espaces de spiritualité, résonnant trop fréquemment de prêches pleins de haine. C’est l’intellectuel musulman éclairé Ghaleb Bencheikh qui expliquait, dans le contexte des attentats de novembre 2015 (Le Huffington Post, 18/11/2016), que « Certains responsables religieux musulmans sont comptables et coupables des crimes perpétrés au nom de Dieu », tout en appelant à une modernisation de l’islam par l’éloignement d’une lecture littérale des textes.
Nous voyons bien se dessiner derrière cette évolution ce modèle anglo-saxon chez nous, qui a conduit à la situation que décrivent ces sondages et études. Cette « nation dans la nation » dont parlait le Times, nous guette dangereusement. Le communautarisme pose le problème de l’intégration sociale, car il joue sur le repli d’une origine ou/et d’une religion, en niant ce lien juridique qui unit les citoyens à un Etat et à ses lois.
L’Angleterre où on se sépare selon les différences, reproduisant peu ou prou l’ancien Empire colonial britannique, n’est pas la France, où au contraire on se mélange, à la faveur de l’égalité républicaine, la séparation communautaire y apparaissant comme une anomalie révélatrice d’un malaise sinon d’un danger. Aux mise à part de ce communautarisme, aux tensions qu’ainsi il crée, répond une incompréhension montante, sinon une défiance de plus en plus grande, manifeste dans toutes les enquêtes d’opinions en France. La peur des désordres que pourrait entraîner cette évolution, dans un climat de violences urbaines émanant de ces ghettos qui alimente régulièrement l’actualité, pourrait bien mettre le feu aux poudres, pousser nos compatriotes à faire le choix politique d’un pouvoir autoritaire à haut risque, croyant ainsi pouvoir enrayer ce mouvement. Si le politique recule, la raison recule, car elle n’a de sens que si elle guide la raison humaine, si elle sert véritablement à se gouverner soi-même. L’ampleur de la crise que traverse notre représentation politique en dit long sur cette involution, et le laisser-faire actuel vis-à-vis de cette forme de pensée religieuse agressive qui a ainsi les coudées franches, pour rompre avec le reste de la communauté, sinon s’affronter avec elle.
S’il y a un pays où cela peut, peut-être, prendre une autre direction, c’est bien le nôtre, en raison précisément de ce modèle républicain qui est une protection pour tous, garantissant le libre choix de nos concitoyens de confession musulmane, face à cette dérive, à laquelle il faut sans ambiguïté les appeler à résister. Ayons une pensée pour Malek Chebel, anthropologue des religions, récemment disparu, qui appelait au lendemain de l’attentat de Nice, le 14 juillet dernier, dans les colonnes du journal Le Parisien, les musulmans de France à faire passer leur citoyenneté avant leur religion. C’est bien là que se scelle un choix de société, celui des divisions identitaires où d’une République respectée dans ses principes où il fasse, ensemble, bon vivre.
(…) Atlantico
En Grande-Bretagne, certains musulmans vivent de manière si isolée du reste de la société qu’ils sont convaincus qu’ils vivent dans un pays musulman où la majorité des personnes partagent leur foi.
C’est ce que l’on peut lire dans un rapport qui sera publié la semaine prochaine, et auquel le Sunday Times a eu accès. Il a été commandité par Lady Louise Casey, la «tsar de la cohésion sociale» du gouvernement britannique.
D’après les informations recueillies, il apparaît que certains musulmans résident dans des communautés closes totalement coupées du reste de la Grande-Bretagne. Ils vivent dans des quartiers musulmans, leurs enfants fréquentent des écoles musulmanes, et ils regardent des chaînes de télévision islamiques.
Le rapport mentionne ainsi l’existence de « milliers de personnes vivant dans des enclaves totalement musulmanes dans le nord du pays dans des villes comme Bradford, Dewsbury et Blackburn, qui ne sortent que rarement de leur environnement, sinon jamais, et n’ont aucune idée de ce qui se passe en dehors de leur monde ».
Certains musulmans croient que la Grande-Bretagne est un pays musulman
« Comme ils vivent dans ces communautés et fréquentent des écoles musulmanes, certains musulmans pensent que la Grande-Bretagne est un pays musulman. Ils croient que 75 % du pays sont musulmans », peut-on y lire.
En réalité, le dernier recensement effectué en 2011 montre que 4,8 % de la population de l’Angleterre et du Pays de Galles sont musulmans, tandis que les chrétiens représentent 59,3 %.
Le rapport est un aveu de l’échec de la stratégie d’intégration du gouvernement britannique, et notamment de la politique du ministère de l’Intérieur qui a été dirigé par l’actuel Premier ministre britannique Theresa May, de 2010 à juillet de cette année.
L’Islam dans les écoles britanniques
Sir Michael Wilshaw, l’inspecteur en chef des écoles du Royaume-Uni qui va bientôt prendre sa retraite, a averti que près de 500 écoles dans le pays étaient ou bien fréquentées par une totalité d’enfants issus d’une minorité, ou bien 100% blancs, ce qui posait un risque élevé d’exclusion ou de radicalisation pour ces écoliers.
Il s’est dit particulièrement préoccupé par un groupe de 21 écoles à Birmingham, pour la plupart des écoles primaires, fréquentées par une majorité d’élèves musulmans, et dans lesquelles ont ne trouvait aucun élève blanc.