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Durant les primaires de droite, Alain Juppé a dû faire face à des attaques racistes du type « Ali Juppé ». Comme s’il était honteux de se nommer ainsi. Rejeter ce prénom, c’est rejeter l’histoire de ceux qui le portent.

(…)Il y a une corrélation positive entre l’appréciation de son propre prénom et l’estime de soi. Et vice versa. Le prénom est en effet le premier élément que l’individu livre sur lui-même à autrui et, quand il sera donné lors des premières rencontres, il va faire l’objet d’un traitement et d’une évaluation par les autres et conditionner la « désirabilité sociale » de l’individu. Plus il sera fréquent, plus il sera apprécié, car la familiarité favorise la préférence.
Je me souviens que dans les années 1970-1980, chez les jeunes Arabes, on se faisait appeler par des prénoms européens, Aldo, Luigi, Jimmy, plutôt que Mohamed, Bachir ou Ali. Un peu plus tard, l’usage de diminutifs a permis de masquer l’indésirabilité sociale du prénom : Mustapha est devenu « Mouss », Mohamed « Momo », Samir « Sami », Messaoud « Mess », Kader « Kad », etc. ; puis l’usage du verlan a fait de Karim « Rimka », de Maurad « Radmo » et de Kamel « Melka », etc.
L’impact psychologique à long terme de telles simulations-dissimulations identitaires sur toutes les générations de jeunes Arabes à venir était prévisible. Le rejet du prénom par la société signifiait le rejet de l’histoire des parents, des ancêtres, de la généalogie et, en somme, de l’islam. Le balancier identitaire finirait un jour par revenir en boomerang. Du reniement de soi, on passerait à l’ostentatoire. Nous sommes aujourd’hui au cœur de ce cercle vicieux.

Le Monde

Merci à handsome55

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