Pour Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio et proche du pape François, l’élection du populiste Trump et la montée des réflexes identitaires rendent encore plus indispensable la voix bergoglienne.
[…] on ne peut pas oublier que 52% des catholiques américains et plusieurs évêques ont donné leur voix à Trump. Ce choix révèle à quel point l’ensemble du catholicisme n’est pas uni derrière ce pape. […] Car, aujourd’hui, quel est le risque? C’est celui du national-catholicisme. Regardez par exemple la Hongrie, où le christianisme devient le cœur de l’identité nationale… Dans cette période trumpiste, je suis plus pro-François que jamais. […]
Les gens sont seuls ; certains expriment leur révolte dans le vote populiste ou dans le fondamentalisme. Le danger est là. Il faut par conséquent retisser le tissu humain de la banlieue au lieu de se replier dans sa bulle et de verser dans un nationalisme de réaction à la mondialisation. La vraie défaite de l’Eglise, à cet égard, a été de renoncer à lutter face à la prétendue sécularisation et de se mettre à se comporter comme une minorité identitaire. […]
Quatre cardinaux ont récemment interpellé le pape, dans une lettre rendue publique, pour le sommer d’éclaircir ses positions sur différents points de morale contenus dans l’exhortation apostolique sur la famille «Amoris Lætitia». C’est du jamais-vu !
Certains ont même parlé d’un premier acte d’impeachment contre François. Cette opposition est une énorme erreur pour le catholicisme, car ce pape, arrivé comme une divine surprise dans une Eglise en crise, lui offre une chance de survivre et de mener sa mission. Je ne vois pas du tout un Luther en lui. Bergoglio n’a aucunement changé la doctrine catholique ni la morale, il a simplement changé la perspective. C’est un pape traditionnel et surtout un vrai catholique, au sens profond et universel du terme. Il est à mon sens bien moins négligent des principes chrétiens que les rigoristes qui se tiennent en dehors du monde en le condamnant. […]