Que veulent les Syriens ? Depuis six ans bientôt que la violence a enflammé leur pays, personne n’a pu vraiment répondre avec précision à cette question.
Les uns nous assurent que « le peuple dans son ensemble veut se débarrasser » du dictateur Bachar el-Assad. D’autres tempèrent en affirmant que le président jouit encore du soutien de certains de ses compatriotes. Bref, c’est le trou noir dans lequel s’engouffrent, pour étayer leurs thèses, tous les amateurs de simplifications et d’amalgames.
Une récente enquête réalisée par le centre de recherches américain Foreign Affairs apporte quelques éléments de réponse. Ce sondage réalisé par un organisme peu suspect de sympathie envers Assad a été effectué auprès de 2.000 réfugiés syriens vivant aujourd’hui au Liban voisin, des gens qui ont dû quitter leurs maisons, leur travail pour vivre dans des conditions difficiles chez leurs voisins.
Que nous apprend-il ? Que 52,7 % des personnes interrogées soutiennent les opposants à Assad, 39,4 % le gouvernement syrien, et 8 % personne.
Premier enseignement : les opposants sont majoritaires, ce qui ne constitue pas vraiment une surprise. Parmi eux, 24 % des réfugiés syriens soutiennent des opposants nationalistes – en gros des modérés qui sont les alliés des démocraties occidentales – 19,1 % les djihadistes étrangers – une adhésion très loin d’être négligeable – et 9,7 % les islamistes locaux.
Plus surprenant en revanche c’est que près de 40 % disent soutenir le gouvernement syrien. On est loin de la thèse développée notamment en France d’un « dictateur seul face à son peuple ». Comme le drame d’Alep l’a encore montré ces derniers jours, la situation en Syrie est nettement plus nuancée qu’on ne le dit souvent. […]
Il ne faut pas surinterpréter les résultats de ce sondage. Mais ils soulignent une évidence : l’extrême morcellement de la société syrienne. On ne peut plus parler au nom du peuple syrien. Le fossé est béant entre l’alaouite de Lattaquié et le rebelle d’Alep, entre le chrétien de Damas et l’islamiste de Der Ezzor. Ces résultats doivent donc nous inciter à la prudence dans nos analyses. Les adeptes du politiquement correct devraient s’en inspirer.
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Georges Malbrunot
La Montagne