Vendettas liées au conflit entre “Blacks” et “Gitans”, sorties de prison, démantèlements de trafics… Avec 27 tués dans des règlements de comptes, 2016 est l’année la plus meurtrière depuis trois décennies
À la police judiciaire, on en est persuadé : rarement une décision de justice n’a eu pareilles conséquences. Le 7 août 2015, Mohamed Moumadi est remis en liberté par la cour d’appel d’Aix alors qu’une instruction judiciaire est toujours en cours à son encontre à la suite de son interpellation en février 2013 en possession de nombreuses armes, de 87 000 € et de 52 kilos de cannabis. “Ce sont des décisions qui s’imposent à nous, expliquait alors l’ancien procureur de la République de Marseille, Brice Robin. Nous avons fait notre maximum pour le maintenir incarcéré mais il était arrivé au terme de sa détention provisoire.”
Trois mois plus tard, le 25 octobre 2015, deux adolescents de 15 ans, Mohamed Alliati et Kamal Zaatout, ainsi qu’un jeune homme de 23 ans, Abdelmalik Aroun, étaient tués par balles dans la cage d’escaliers du bloc D de la cité des Lauriers (13e).
Moumadi, surnommé “Babouin” dans les quartiers Nord, sera abattu quelques semaines plus tard dans le tunnel du Prado-Carénage lors d’un règlement de comptes au scénario digne d’un film d’action américain. Si ses proches assurent l’inverse, ses tueurs, et les policiers de la PJ, en sont eux persuadés : il était de la partie ce soir de vendetta aux Lauriers.
Un triple drame qui allait réveiller une vieille rancoeur entre le clan des “Blacks” – les Comoriens autour de la fratrie des Ahamada – et celui des “Gitans” – autour des frères François et Nicolas Bengler dont Moumadi était proche selon les enquêteurs – pour le contrôle du trafic de stupéfiants dans le 13e arrondissement principalement. Une guerre ouverte ultra-sanglante qui date de 2008, “et qui jusqu’à la libération de Babouin, avait connu une période de calme longue de deux ans et demi”, glisse un proche de ces dossiers.
Depuis, selon l’analyse de la PJ, ce conflit aurait entraîné seize assassinats, dont bon nombre cette année. “En 2016, un règlement de comptes sur deux, en gros, est dû à cette lutte, continue un haut gradé, mais on a aussi eu des victimes dans le grand banditisme traditionnel, dit ‘corso-marseillais’, et des drames autour d’autres contentieux comme celui autour de la cité Val-Plan”.
Avec déjà vingt-sept morts dans le département, mais très majoritairement à Marseille même, sur fond de narco-banditisme, 2016 est l’année la plus meurtrière depuis trois décennies. Il faut remonter à 1986 pour retrouver vingt morts, avec une pointe à vingt-trois assassinats sur fond de banditisme en 2012.
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“Les mecs sont relâchés trop vite, pour un oui pour un non. Donc à peine a-t-on fini de boucler une affaire qu’un type est remis en liberté et se montre de nouveau ultra-dangereux ou alors potentielle victime, peste un enquêteur. La preuve : dans le commando de tueurs qu’on a serré mi-octobre, certains des mecs avaient été mis en examen et écroués pour un gros trafic de stups à Val-Plan, qu’on avait démantelé un an seulement auparavant. Ils étaient déjà dehors ! Et entre-temps, en août, ils ont fumé un type…”
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Merci à Pythéas