Le Monde s’inquiète dans son éditorial intitulé “Les risques de la société ‘post-vérité’ » de la divulgation de “fausses nouvelles” par des personnalités publiques et de la diffusion de “rumeurs” sur les réseaux sociaux.
[…] Apparue il y a une douzaine d’années, elle s’est cependant imposée en 2016 à la faveur de deux scrutins qui ont secoué le monde : le référendum du 23 juin sur le Brexit, qui a décidé de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, puis l’élection présidentielle américaine, dont Donald Trump est sorti vainqueur, le 8 novembre. […]
La généralisation de la norme post-vérité nous concerne d’abord nous, journalistes et professionnels des médias, européens autant qu’américains, asiatiques ou africains, parce qu’elle a fondamentalement bouleversé l’environnement dans lequel nous travaillons et les valeurs sur lesquelles nous nous appuyons.
[…] La même logique sous-tend la rumeur lancée un jour sur « Ali Juppé », un autre sur « Farid Fillon ». Les faits avancés sont délibérément faux, mais la fausse nouvelle fait son chemin médiatique, jusqu’à s’imposer dans le discours public.A la base du travail des médias se trouvent les faits, qu’ils sont censés rapporter et, ensuite, commenter. Les faits concourent à établir la vérité. Dans ce contexte, il arrive aux médias de faire état de faits erronés ; en principe, ces erreurs sont involontaires et font l’objet de corrections.
Au-delà des médias, l’information post-vérité concerne aussi les acteurs politiques, soit parce qu’ils peuvent être tentés d’y recourir, soit parce qu’ils en seront la cible. Elle pose un défi éthique aux responsables des entreprises technologiques comme Google, Facebook, Twitter, qui s’en font les véhicules et ont, très tardivement, commencé à réagir.
Ces entreprises contribuent, sans forcément le chercher, à une consommation communautaire de l’information, par « bulles cognitives », où chacun s’enferme dans ses convictions. Le défi majeur que la société post-vérité constitue, en fin de compte, est celui de la crédibilité de l’information, qui est au cœur du fonctionnement démocratique. Ce défi-là concerne tous les lecteurs et citoyens. Leur exigence sera notre meilleure alliée.
Le Monde