Deux mois après le démantèlement de la “jungle” de Calais, les migrants sont toujours là, moins nombreux. Certains sont revenus, d’autres ne sont jamais vraiment partis. Franceinfo a pu se rendre dans une famille qui héberge clandestinement des migrants.
Tous les prénoms ont été changés, à la demande des intéressés.
Elle met en avant l’enrichissement personnel que lui procure cet accueil citoyen. Avec le temps, et au fil de ses rencontres, elle a appris à parler allemand, anglais, espagnol, et à baragouiner quelques mots d’arabe et de pachtoune. Elle est persuadée qu’offrir un café peut changer le regard de quelqu’un sur notre pays.
Au premier coup de sonnette, personne n’a ouvert. Au deuxième non plus. Il a fallu un SMS – “c’est nous” – pour rassurer les habitants sur notre identité et nos intentions. Finalement, un jeune homme, mal rasé et mal réveillé, entrouve la porte de quelques centimètres, juste de quoi se glisser dans l’entrebâillement, avant de la claquer derrière nous. De cette maison de Calais (Pas-de-Calais), vous ne saurez rien, pas même la couleur de la boîte aux lettres. Question de sécurité pour ses occupants : comme elle en a pris l’habitude, Florence* y héberge gracieusement deux migrants depuis le 16 décembre. Pas facile dans une ville où la question des réfugiés a exacerbé les tensions ces dernières années.
Dans un anglais approximatif, Hassim marmonne qu’il vient du Soudan, précisément du Darfour, où la guerre fait rage depuis des années. Mineur, il a connu la “jungle” de Calais pendant un an, avant d’être mis dans un bus lors du démantèlement du camp fin octobre et placé dans un Centre d’accueil et d’orientation (CAO) dans la région. Pour finalement revenir ici : “Ma famille est en Angleterre, moi je veux juste la rejoindre là-bas.” L’histoire de Pierre est différente. Lui a fui le Cameroun il y a trois ans pour des raisons politiques. Le gaillard de 25 ans n’a jamais mis les pieds dans la “jungle”, mais il a connu la rue à Paris, “les squats”, “la débrouille”. Il n’est que de passage à Calais. “Mon projet, c’est de rester en France, pour y faire ma vie“, raconte ce demandeur d’asile.
Quand Florence a su que tous les deux n’avaient nulle part où dormir, elle a proposé son toit. “C’est dans ma nature. Quand je vois quelqu’un en détresse dehors, je ne peux pas ne rien faire. C’est sûrement lié au fait que j’ai beaucoup, beaucoup voyagé dans ma vie.” […]
Depuis 2013, la loi précise tout de même que les “actions humanitaires et désintéressées” menées en vue de “préserver la dignité” ne sont plus considérées comme des infractions. “Moi, je ne crains rien, dit Florence. C’est surtout par rapport à Hassim que c’est plus compliqué, étant donné qu’il est mineur. Après, c’est argument contre argument. Au moins, si l’on m’arrêtait, ça me donnerait l’occasion d’expliquer ma démarche.”
[…] Si j’avais une baguette magique, j’aimerais que chacun fasse l’expérience une fois d’aider quelqu’un, juste une fois. Ça changerait franchement les choses. Le problème, c’est que ce n’est pas encouragé politiquement.
Merci à handsome55