Poitiers. Le Département poursuit pour escroquerie les mineurs isolés qui mentent sur leur âge. Mardi, l’un de ces procès a tourné court.
Ils continuent à arriver. Par la Libye. Par l’Espagne. Des Guinéens démarchés dans leur campagne et à qui l’on promet monts et merveilles en France… une fois qu’ils auront versé 5.000 € à leur passeur.
« Au début, on voyait arriver des gens qui avaient de l’instruction, des compétences, et maintenant, on voit que les réseaux de passeurs vont racler les fonds de tiroir dans les campagnes les plus reculées. Ils leur promettent qu’ils vont devenir footballeur ! », raconte un familier de ces affaires.
“ Poitiers est la tête de pont de ces réseaux ”
En fait de carrière footballistique, c’est dans un foyer ou un hôtel basique de Poitiers qu’ils atterrissent, guidés et chaperonnés par des passeurs. Ils se disent mineur, répètent la leçon apprise et croisent les doigts pour que ça passe. Certains sont vraiment mineurs. Pas tous.
Et, depuis l’automne dernier, le service de l’aide sociale à l’enfant du Département de la Vienne, porte plainte contre ces faux mineurs pour tenter d’endiguer le flot.
Mardi, le tribunal correctionnel devait juger Malick, un Guinéen absent à la barre. Quel âge a-t-il ? Dix-sept ans, ou bien vingt-sept ?
Quand il débarque à Poitiers, en juin 2016, le garçon assure être mineur. Il est pris en charge par l’ASE. Une première nuit d’hôtel, un plateau-repas. Et, le lendemain, les premières vérifications débutent au commissariat. L’apparence physique de Malick fait tiquer les policiers. Ses empreintes sont prises. Elles correspondent à un même homme qui a déposé, sans succès, une demande de visa pour la France en juillet 2015.
Le Malick d’alors se dit né le 9 novembre 1989 ; le Malick de Poitiers assure que sa naissance remonte au 9 novembre 1999. Un seul et même Malick alors ?
Le Département en est persuadé. Il porte plainte pour escroquerie et réclame un forfait de 184 € pour les frais engagés, repas, hôtel et procédure et 250 € de préjudice moral.
« Un mineur isolé coûte 50.000 € à l’année au Département qui se doit de tous les accueillir. Leur nombre a explosé », remarque Me Emmanuel Cheneval, avocat de la collectivité.
« Ils étaient 45 il y a quelques années, nous en sommes à 250 ! Ces jeunes hommes qui se revendiquent mineurs arrivent via des réseaux. Poitiers est leur tête de pont. Ils sont un peu coupables, un peu victimes… et cela pose un problème financier colossal. »
Après quelques ratés, la procédure pénale est désormais engagée sur l’escroquerie. « On ne peut pas se fier à l’état civil du pays » « Alors, on a Visa Bio. Quand une personne fait une demande, elle doit déposer ses empreintes et une photo. Là, on peut contrôler efficacement et avec certitude », relève le procureur à l’audience en réclamant deux mois de prison avec sursis.
La certitude de mardi est balayée par une nullité de procédure relevée par la présidente. Au moment de rédiger la convocation en justice, c’est la mauvaise date de naissance qui a été inscrite, celle d’un Malick mineur.
C’est reculer pour mieux sauter. Une nouvelle convocation devrait être délivrée avec la date de naissance d’un Malick majeur afin d’obtenir une condamnation pour escroquerie au détriment de l’aide sociale à l’enfance.
La Nouvelle République