(…) Voilà un peu plus d’une décennie que j’y suis installé. Les choses ont progressivement changé, mais dans le mauvais sens du terme. Au début, j’avais le discours du nouvel arrivant: «C’est exotique»,«Toute cette dynamique, c’est incroyable», «Les gens ici sont vraiment gentils et accueillants». Peu à peu, j’ai acquis une expérience professionnelle singulière, et j’ai découvert la profondeur du mépris et du désamour de la France chez ceux qu’elle a accueillis et – concernant mon univers professionnel, la médecine de proximité – qu’elle accompagne avec bienveillance et générosité.
La France est reconnue pour la qualité, et plus encore la gratuité de ses soins médicaux. Étudiant en médecine, je trouvais cela formidable. Pourtant, cette générosité n’est pas vue comme une force de la France généreuse qu’on remercie, mais bien plutôt comme un tribut normal d’un pays colonialiste qui «doit payer pour ce qu’il a fait». Ces gens sont-ils heureux de devenir français? Pas du tout! Mieux encore, ils m’expliquent pour nombre d’entre eux qu’ils ne veulent pas le devenir. Un jour, un patient que je croyais français naturalisé d’origine algérienne m’avouait: «Moi, Français? Ah non, docteur, ah non, ça jamais! Jamais!» En revanche, le droit du sol avait fait de ses enfants des Français. Dans quel contexte de respect pour leur pays de naissance allaient-ils grandir? Je sentais que j’abordais chez lui un sujet sensible et cela m’a mis très mal à l’aise. (…)
Merci à handsome55