Une loi de novembre 2016 fait de la langue un critère de discrimination. Pour Robert Redeker, cette disposition symbolise toute la tyrannie du marginal alors qu’aucune société ne peut se constituer sans «discrimination», au sens propre du terme.
Notre pays est pris depuis une décennie d’une folie anti-discriminatoire ravageuse. On oublie ainsi l’essentiel: certaines discriminations sont fondées, utiles au bien public ou à la cohérence historique de la nation. C’est que l’anti-discrimination est devenu un absolu, une idéologie absolutiste au lieu de rester un outil dont il faut savoir faire un usage modéré. Sans discriminations aucune société ni aucun corps politique ne peuvent se constituer. Être, c’est tracer des frontières, délimiter un dedans et un dehors, inclure et exclure, c’est donc discriminer. Poussé jusqu’à son terme, le délire antidiscriminatoire est dissolvant: il communautarise et atomise les unités politiques, les fait exploser. Son horizon est un retour à l’état de nature, celui de la guerre de tous contre tous. Hobbes nous l’a appris: l’égalité parfaite est la source des guerres civiles, des plus violents déchirements. Plus on va vers l’égalité, plus on va vers la guerre. L’égalité de toutes les langues transformerait notre pays en un état de nature linguistique. Il importe de rapprocher cette décision de l’affirmation par certaines autorités du Ministère de l’Éducation nationale que les règles de grammaire sont négociables avec les élèves.
Le chemin indiqué par cette disposition anti-discrimination, en complément de dizaines d’autres, est celui de la disparition de la norme, de la dénormalisation de la société, pour lui substituer le conformisme du marginal, du différent, de l’anormal, l’égalité de toutes les différences. Ou plutôt: pour lui substituer la tyrannie du marginal, du minoritaire, du différent, de l’anormal. Nous avons quitté les sociétés de norme pour entrer dans les sociétés d’une forme encore inédite de conformismes, ceux du minoritaire.