Ce week-end, Emmanuel Macron animera un grand meeting à Lyon pendant que Marine Le Pen lancera sa campagne de candidate du Front National. Pourtant, si leurs dynamiques semblent positives, ne néglige-t-on pas la présence d’une France majoritaire, aujourd’hui oubliée par les médias, coincée entre ces deux candidats ? Analyse de Vincent Tournier, Maître de Conférences à Sciences Po Grenoble.
Si les projecteurs sont tous braqués sur Emmanuel Macron et Marine Le Pen les 3 et 4 février, cela n’égaillera pas pour autant de nombreux Français de droite. Ceux-ci craignent en effet de voir la victoire leur passer sous le nez, et la bonne santé de ces deux concurrents n’a rien pour les rassurer.
Oui parce que, d’une certaine façon, Emmanuel Macron et Marine Le Pen correspondent à deux pôles très antagonistes dans l’électorat. Emmanuel Macron incarne un pôle que l’on pourrait qualifier de libéral et internationaliste, alors que Marine Le Pen représente un pôle de nature plus autoritaire et nationaliste. Entre ces deux pôles, il existe évidemment de multiples situations et combinaisons possibles, mais il y a vraisemblablement la place pour un électorat qui ne se reconnaît pas dans les deux tendances précédentes.
C’est un électorat qui est à la fois libéral et autoritaire, ou libéral et identitaire. Il est inquiet devant certaines évolutions, attache de l’importance à l’ordre et à la nation, critique l’immigration et ses effets, mais qui ne rejette pas pour autant le libéralisme des mœurs. La meilleure preuve que cet électorat existe, c’est le score de Nicolas Sarkozy au premier tour de 2007.
A l’époque, Nicolas Sarkozy a fait une remarquable poussée en proposant un programme qui combinait deux mots d’ordre : le travail (doublé de la critique de l’assistanat) et l’identité nationale, donc un thème libéral et un thème autoritaire-nationaliste. Le succès de François Fillon à la primaire des Républicains confirme qu’il existe un large espace électoral disponible pour ce type de positionnement. Bien sûr, l’électorat de la primaire ne reflète pas exactement celui de la droite dans son ensemble, mais cela donne quand même une indication. Cela permet de penser que François Fillon dispose d’une importante réserve de voix. C’est aussi pour cela que la question de son retrait est difficile. S’il s’en va, Alain Juppé est le mieux placé pour lui succéder du point de vue « légal » puisqu’il a fini en seconde place ; mais du point de vue de la stratégie électorale, ce n’est pas évident. C’est d’ailleurs pourquoi il n’est pas exclu que Nicolas Sarkozy refasse parler de lui. Remarquons que le premier responsable politique qui a lancé le débat sur le retrait de Fillon est George Fenech, lequel est justement un soutien de Nicolas Sarkozy.
Entre la France “ouverte et généreuse” de Macron et France du “repli” de Le Pen, quelles sont les valeurs que défend la France de droite et qui sont occultées par l’affaire Fillon ?
Il est normal que les médias soient polarisés sur l’affaire Fillon. C’est une affaire qui a progressivement pris de l’ampleur et qui s’est révélée bien plus importante que prévue. Du coup, ses effets risquent d’être massifs. En particulier, si la candidature de François Fillon explose en vol, ce qui est maintenant une hypothèse hautement plausible, il pourrait bien y avoir des répercussions en cascades sur le système politique. On ne peut pas exclure, à ce stade, que se produisent des recompositions car on voit bien que la gauche et la droite connaissent des fractures internes très fortes. La gauche de type Macron pourrait très bien se rapprocher de la droite de type Juppé, ainsi évidemment que du centre de Bayrou. A gauche, Hamon et Mélenchon sont-ils radicalement différents ? Quant à la droite, une partie des Républicains ne peut-elle pas opérer un rapprochement avec le FN, au moins avec la tendance Philippot ? […]