Plus on tente de vérifier les faits, plus la réalité devient un sujet de débat. Le fact-checking a-t-il failli ?
Le fact-checking s’accompagne de l’idée désagréable que les journalistes sont des sachants. Il suscite aussi la suspicion parce qu’il rejoint le mythe de l’objectivité journalistique. Or, comme toute information, le fact-checking est orienté.Prenons un article récent des Décodeurs du Monde où certains engagements des candidats à la primaire du PS sont qualifiés, au choix, d’«absurde», «inapplicable», «flou», «compliqué» ou «douteux». Etes-vous d’accord avec Frédéric Lordon lorsqu’il dénonce un «journalisme postpolitique» dans lequel «il n’y a plus rien à discuter, hormis des vérités factuelles» ? Le fact-checking dérive lorsqu’il devient une prise de parti. Asséner qu’une mesure est inapplicable, c’est vouloir écrire l’avenir. On a alors l’impression que le fact-checking devient un combat d’idées.
Mais le fact-checking est-il, en soi, une mauvaise pratique ?
Je pense qu’il est nécessaire, notamment parce que l’homme de la rue n’a ni accès à toutes les informations, ni le temps de tout vérifier. Et même dans le cas où le fact-checking sème le doute, il permet au moins de stimuler l’esprit critique. Maintenant, tout repose sur la manière dont on le fait. Certains sites étayent sérieusement leur propos et donnent de nombreuses références. A l’inverse, je trouve plus dangereuse la multiplication des très courtes émissions type «vrai/faux», où l’on ne sait pas vraiment qui est le spécialiste qui contredit une affirmation ou d’où surgit tel chiffre que l’on oppose à un politique. Finalement, le fact-checking doit accepter d’être «fact-checké» ! Il doit lui aussi entrer dans le débat et ne pas se poser en vérité assenée contre une autre prétendue vérité.(…)