Un peu plus de 17 000 algériens ont acquis la nationalité française en 2015. Le chiffre le plus bas a été enregistré en 2012 avec un peu moins de 13 000 naturalisations. Depuis, le nombre des acquisitions progresse. Mais pourquoi ces Algériens ont voulu devenir français ?
Jusqu’à la date de l’indépendance, le 5 juillet 1962, les Algériens disposaient tous de la nationalité française à la suite de la loi du 7 mai 1946. Ils bénéficiaient aussi de l’égalité électorale établie par la loi du 5 février 1958. Toute fois, si les Algériens étaient tous de nationalité française, leur statut juridique était bien différent. La quasi-totalité des Algériens, souvent appelés “indigènes” relevait du statut de droit local, c’est-à-dire de la loi musulmane. L’autre catégorie d’Algériens (une minorité) était soumise au statut civil de droit commun (le code civil) avec des avantages certains quant à la conservation de leur nationalité française. […]
La justice française est confrontée depuis une quinzaine d’années à une forte demande de reconnaissance de la nationalité par des Algériens qui n’hésitent pas, dans certains cas, à falsifier leur arbre généalogique pour prouver qu’ils descendent de citoyens français. “La demande a explosé à partir du milieu des années 1990 sous la pression du terrorisme et de la crise économique” qui frappaient l’Algérie, explique à l’AFP un avocat de Seine-Saint-Denis qui a plaidé de nombreux dossiers au TGI de Paris. Il ne s’agit pas de la procédure de naturalisation qui permet aux Algériens régulièrement établis en France d’obtenir, sous conditions, la nationalité, ni de celle de la réintégration (article 24 du code civil) qui permet à ceux nés avant l’indépendance, toujours sous conditions, de la récupérer. En vertu du double droit du sol, par ailleurs, tous les enfants nés en France depuis le 1er janvier 1963, de parents algériens, sont français de naissance si l’un de leurs parents est lui-même né en Algérie avant l’indépendance. Mais une autre catégorie peut prétendre à la nationalité: alors que l’écrasante majorité des Algériens relevaient du droit civil local et du code de l’indigénat pendant la colonisation (1830-1962), une petite minorité (70.000 personnes selon une estimation) avait acquis la citoyenneté française par jugement ou par décret. Les descendants de cette minorité sont en droit de revendiquer la nationalité française par filiation, explique le même avocat qui a souhaité garder l’anonymat, ajoutant qu’il y a des dizaines de milliers de Français qui s’ignorent en Algérie. Mais qui peuvent à n’importe quel moment revendiquer ce statut. Il suffit de produire le jugement ou le décret d’acquisition de la nationalité française par l’aïeul, puis de reconstituer sa généalogie par les actes de mariage et les actes de naissance. “Dans ma famille, nous sommes une soixantaine de personnes à avoir obtenu la reconnaissance de notre nationalité française“, dit à l’AFP un professeur d’anglais arrivé en France en 1998. Interrogé sur l’ampleur de ce phénomène, le ministère français de l’Intérieur n’a pas répondu.
Pourquoi veut-on devenir français?
La mention nationalité française permet de voter, de passer des concours administratifs et de voyager librement à travers l’Europe. Mais pour tous ceux qui ont entrepris la démarche, l’enjeu va au-delà de ces droits élémentaires. «C’est un choix personnel. On peut très bien vivre en France avec sa nationalité. Sauf quand on est jeune et que l’on veut passer des concours, souligne Catherine Pia, chef du bureau état civil et des étrangers à la préfecture de l’Oise. Pour les plus âgés, il s’agit de finaliser une vie : si je ne retourne pas dans mon pays autant que je devienne français. »
En réalisant cette démarche volontariste, « ils signifient aussi qu’ils sont peut-être plus français que vous et moi».
En France, la demande de naturalisation n’entraîne pas le renoncement à sa nationalité d’origine. Mais il faut être déterminé et très patient. Deux ans sont nécessaires pour décrocher le sésame. Les services de l’Etat enquêtent sur la bonne moralité des candidats. Interdiction d’avoir une condamnation supérieure à six mois. Il faut posséder une bonne maîtrise de la langue et résider en France. Pour avoir assisté à nombre de cérémonies de naturalisation, Catherine Pia constate que c’est un moment toujours émouvant: «Je crois que les personnes n’apprécieraient pas s’il n’y avait pas ce cérémonial. Il faut leur montrer que c’est un honneur qu’on leur fait. J’ai vu de vieux messieurs faire le salut militaire», a-t-elle déclaré.
Merci à Ranelagh