Sur la place du marché des Sablettes, un quartier de La Seyne-sur-Mer, près de Toulon, le FN est comme chez lui. Lorsque Frédéric Boccaletti, président de la fédération du Var, déambule entre les stands, ce 3 février, tout le monde accepte volontiers ses tracts. «Ah, ça, je prends! Il viendra compléter ma collection», s’esclaffe un retraité. Dans ces contrées du «FN du Sud», en Provence- Alpes-Côte d’Azur, le parti d’extrême droite a connu une croissance exponentielle depuis la fin des années 1980, et il y réalise aujourd’hui ses meilleurs scores. En 2015, aux régionales, Marion Maréchal Le Pen a atteint 43,7 % des suffrages, au premier tour, loin devant Christian Estrosi (20,6 %).
Comment expliquer une telle puissance? «Le vote FN est surreprésenté parmi les salariés du privé et les inactifs (chômeurs, retraités), analyse Joël Gombin, politologue à l’université d’Amiens. Le Var ou le Vaucluse se caractérisent par un tissu économique fragile, peu connecté aux grandes métropoles et qui ne retire pas les fruits de la mondialisation. Il en découle une peur du déclassement que le FN a su capter.»
La présence importante d’immigrés – une personne sur dix selon l’Insee – est l’autre moteur du vote frontiste, qui a poussé les leaders locaux à adapter leurs discours. «Sous l’impulsion de Marion Maréchal Le Pen, proche des milieux catholiques, le FN s’est ancré très à droite en mettant l’accent sur des valeurs identitaires, décrypte Gilles Ivaldi, chercheur à l’université de Nice-Sophia Antipolis. Résultat : la gauche a quasiment disparu, laissant la place à un duopole droite extrême droite.» Le chercheur souligne une autre particularité du FN en Paca: «La volonté de capter le vote des petits patrons avec un programme plus libéral que celui de Marine Le Pen.»
Objectif: 14 circonscriptions
Et sur le terrain, la conquête des électeurs est très organisée. Aux Sablettes, dans son tractage, Frédéric Boccaletti va voir tous les commerçants, qui n’hésitent pas à afficher leur sympathie pour le FN devant leurs clients. Parlant vite, ce meneur d’hommes au crâne dégarni s’enquiert de leurs affaires et il en profite pour détailler les mesures économiques susceptibles de leur plaire, comme les baisses de charges ou le protectionnisme.
Dans le Sud, le FN a parfaitement réussi son ancrage local. «Il a conquis trois villes (Fréjus, Cogolin et Le Luc), ce qui lui permet de s’enraciner durablement», analyse Christèle Marchand-Lagier, de l’université d’Avignon et des pays de Vaucluse. Et les leaders locaux maillent le territoire, en vue des législatives de juin. Dans le Var, Frédéric Boccaletti a monté une véritable task force: «J’ai un responsable pour chaque circonscription. Je leur impose de faire un rapport d’activité mensuel détaillant le nombre d’opérations de tractage et d’adhérents supplémentaires. Si un cadre ne fait pas le job, je le sanctionne», prévient-il. En région Paca, le FN espère ainsi remporter 14 circonscriptions. Soit sept fois plus qu’en 2012…