Dans « Ce qui nous regarde », la metteure en scène Myriam Marzouki pose la question du rapport qu’entretient la France avec ses musulmans. Elle analyse, en outre, de façon globale le traitement par la télévision des évolutions de la société.
Éduquer à l’acceptation de la diversité dans la société passe-t-il par l’éducation dès l’enfance, c’est-à-dire par le dessin animé par exemple ?
C’est un rapport à la fiction que les enfants de tous les milieux sociaux consomment beaucoup. La fabrication des imaginaires passe par les livres, mais aussi par les dessins animés. Représenter des enfants qui ont des prénoms d’origines différentes, avec des couleurs de peau différentes, mais aussi montrer autre chose que « papa qui lit le journal » ou « maman qui fait la cuisine ». Il y a un très grand nombre de dessins animés dans lesquels les rôles de leader sont réservés aux garçons et les filles des rôles secondaires. D’une façon globale, le dessin animé aplatit l’imaginaire.
Dans « Ce qui nous regarde », vous abordez la question de la fascination, de la peur dans le regard que la France porte sur le voile, et les débats que cela suscite. Est-ce que les reportages télévisés ont contribué à créer cette peur ?
Bien sûr, et massivement. Il y a néanmoins quelques reportages qui échappent à la règle, évidemment. Mais que cela soit dans les reportages télévisés ou les unes de magazine, les médias ont fait émerger une créature qui n’existe pas, et qui s’appelle la « femme voilée ». Il y a des femmes qui portent le voile, il y en a qui y sont contraintes, d’autres qui le font par choix. Certaines sont éduquées, d’autres ne le sont pas. Certaines sont bigotes et endoctrinées, d’autres sont intelligentes et ouvertes. L’image construit un stéréotype. Beaucoup de reportages construisent des stéréotypes. Pendant longtemps, les reportages sur les femmes voilées ne leur ont jamais donné la parole. On les montrait comme des espèces de fantômes. Ce que peut faire le documentaire, le spectacle vivant ou le cinéma, contrairement au reportage télévisé, c’est de montrer les singularités de la diversité, de la nuance, de la complexité. C’est-à-dire des choses qui demandent encore une fois du temps.
La dernière question : quels sont vos projets à venir ? Quelle est la suite ?
La suite, ce n’est pas pour tout de suite ! Nous sommes sur la tournée de « Ce qui nous regarde », le spectacle va tourner la saison prochaine. Ensuite, je vais continuer à travailler dans ces perspectives de l’imaginaire collectif. Pour cela, je vais prendre la problématique de départ de « Ce qui nous regarde » : le fait que, quand on voit une femme voilée, on ne voit pas spontanément une Française. Cela ne va pas de soi. On se dit qu’elle vient d’ailleurs. Nous sommes très nombreux à n’être pas nés ici. Mon prochain spectacle posera la question de savoir qui est perçu comme français. Avec toutes les obsessions identitaires que cela suscite. Ce sera dans la continuité du spectacle actuel, mais ce ne sera pas tout de suite…