A l’occasion de la sortie d’Une France soumise : les voix du refus, Caroline Valentin a accordé un entretien fleuve au sociologue Mathieu Bock-Côté, que le FigaroVox publie. La coauteur de l’ouvrage dirigé par Georges Bensoussan décrit de l’intérieur la crise culturelle du pays et la soumission des élites. En voici quelques extraits.
La France est le théâtre principal de l’offensive islamiste en Europe. En disant cela, on ne pense pas seulement aux attentats qui ont marqué les deux dernières années, mais à la formation sur le territoire français d’une véritable contre-société qui ne dit pas son nom et se désaffilie de plus en plus de la nation. […]
Apparaît ainsi au fil des pages la confrontation entre la Nation française, ses règles et son identité culturelle d’un côté et, de l’autre, une contre-société, constituée d’une partie – d’une partie seulement – des musulmans de France: ceux qui se considèrent en France en milieu hostile et souhaitent le développement d’une contre-société salafiste ; ceux qui souhaitent développer le modèle communautariste anglo-saxon pour accroître la visibilité, et la place, des musulmans dans l’espace public.
Cette contre-société a des caractéristiques propres sur lesquelles s’appuie son rejet du modèle républicain français, sa laïcité et son humanisme universaliste: vision du musulman comme un être supérieur ; endogamie ; solidarité non seulement communautaire mais exclusivement communautaire, à l’opposé de notre principe de fraternité universelle ; rejet de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, stigmatisation de toute critique de l’islam ; rejet de l’égalité, rôle prépondérant du sacrifice des femmes dans la structuration de cette communauté et port du voile. Cette contre-société a pu, comme on le dit souvent, naître sur un vide, un manque de spiritualité, un État défaillant, certes mais il ne faut pas occulter le rôle fondamental de l’islam politique et de sa propagande victimaire, qui cherchent à instrumentaliser des populations d’autant plus faciles à manipuler que leur méconnaissance de la société majoritaire les rend poreux à tous les discours fantasmagoriques sur le rejet et le déni de francité dont ils seraient tous, partout et pour toujours, victimes en France. […]
C’est cette faiblesse de l’État, et le mépris qu’il inspire du fait de celle-ci, qui fait la force de cette contre-société et qui catalyse son expansion. Ce constat est aussi celui du sociologue Tarik Yildiz, spécialiste de l’islam en France ; son enquête sur les musulmans de France révèle que ceux-ci sont bien conscients de cette faiblesse de l’État, certains pour la déplorer, d’autres pour s’en réjouir car «ils veulent prendre sa place».
Toujours est-il que dans certaines parties du territoire français, face à l’absence de l’État, ce sont les islamistes, pas seulement les plus radicaux, qui assurent les missions régaliennes.
Et depuis quand cette France est-elle soumise ?
Cette soumission s’est installée petit-à-petit, au fur et à mesure de l’accroissement d’une population d’origine africaine issue non plus d’une immigration de travail mais d’une immigration de peuplement suscitée par le regroupement familial, auquel la France a été contrainte de se soumettre et qu’elle a réglementé à compter de 1974. Mais l’effet masse est loin d’être le seul facteur. Y a tout autant, si ce n’est davantage, contribué l’abandon de l’injonction à l’assimilation qui avait jusque-là présidé à l’accueil des immigrés dans une France qui était le pays d’Europe le plus rôdé à l’immigration, ayant accueilli des étrangers sur son sol dès le milieu du XIXème siècle. […]
Comment cette France s’est-elle soumise ?
A l’origine de cette soumission, il y a, de la part des décideurs et gestionnaires de l’autorité, un patchwork fait de bons sentiments, de lâchetés, de complaisances cyniques issues d’une volonté de protéger sa carrière ou d’attirer un vote perçu à tort ou à raison comme communautariste, et de beaucoup de médiocrité. Mais que ces soumissions soient guidées par la peur, par le syndrome «Malik Oussekine/Zyed et Bouna» ou par des compromissions faustiennes d’individus aveuglés par la quête du pouvoir et qui ont totalement perdu de vue la notion de bien commun, quand les lois et les règles devant être appliquées ne le sont pas, ce n’est ni plus ni moins qu’un déni de démocratie.
En pratique, cette idéologie a conduit nos responsables politiques à adopter – parfois en catimini – une politique multiculturaliste. Le critère de l’ethnie remplace celui de classe sociale.
[…]Cette politique à laquelle nos élites se sont converties est en réalité une politique de discrimination ethnique, système dans lequel le modèle républicain n’a plus sa place. Les compromissions, le fait de ne pas appliquer à certaines populations les règles qui sont appliquées aux autres, en sont une illustration.
Mais la France va plus loin en adoptant de véritables lois d’exception, dont l’un des volets les plus choquants et les plus délétères est sans doute la «politique de la ville»: le regroupement ethnique des immigrés et des Français issus de l’immigration dans certaines villes et quartiers est à la source de la communautarisation d’où part la sécession culturelle violente que nous décrivons. Or ce regroupement ethnique n’est ni le résultat d’une politique d’éloignement ou de ghettoïsation imposée aux intéressés par l’État, ni le fruit du hasard. Il résulte, en partie, d’une volonté commune des populations concernées de vivre près de leurs pairs (même s’ils prétendent le contraire) ; il résulte aussi de l’action de l’État, qui affecte, au bénéficie de ces quartiers et donc de facto de ces seules populations, la très abondante manne de subventions constitutive de la politique de la ville ; et en choisissant d’affecter cette manne sur un critère géographique, l’État agit au détriment des millions d’autres Français pauvres qui ne résident pas dans ces territoires.
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