La Birmanie, où la minorité musulmane des Rohingyas est victime d’exactions, pourrait devenir un abcès de fixation jihadiste.
L’implantation de l’Etat islamique en Afghanistan était jusqu’à récemment limitée à la province orientale de Nangarhar, à la frontière du Pakistan. Mais c’est dans le nord-ouest du pays, à la frontière du Turkménistan, que Daech a tendu une embuscade, le 8 février 2017, à un convoi du Comité international de la Croix Rouge (CICR), tuant six de ses agents et en enlevant deux autres. […]
Au Pakistan, Daech n’a pas encore d’implantation territoriale, mais elle a semé une fois de plus la terreur, le 16 février 2017, en tuant au moins 75 personnes dans un sanctuaire soufi de la province du Sindh. Par ailleurs, plus d’un millier de militants ont quitté l’Asie du Sud-Est pour rejoindre les rangs de Daech, en Syrie plutôt qu’en Irak. Trois groupes jihadistes de l’île philippine de Mindanao ont prêté allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi au tout début de l’année dernière. […]
L’attaque, le 9 octobre 2016, d’un poste-frontière birman par un mystérieux groupe Yakin a déchaîné une vague sans précédent de répression. De très bonnes sources estiment à au moins un millier le nombre de civils musulmans tués depuis lors en Birmanie. Des dizaines de milliers de Rohingyas ont fui vers le Bangladesh voisin, où des masses de réfugiés s’étaient déjà installées lors des troubles de 2012, sans jamais être autorisées à revenir dans leur pays natal. Aung Sang Suu Kyi, Premier ministre de fait, si ce n’est en titre, est apparue bien impuissante face à des militaires dont le nationalisme exacerbé vire aisément au racisme envers les Rohingyas. L’assassinat de son conseiller musulman, le 29 janvier 2017, en plein aéroport de la capitale, dans des circonstances toujours non élucidées, prouve la fragilité du pouvoir civil dans cette crise. […]
Résumons : une zone frontalière propice à toutes les infiltrations entre le troisième pays musulman le plus peuplé du monde (après l’Indonésie et le Pakistan) et un Etat qui dénie les droits de sa minorité musulmane ; des camps de réfugiés et de déplacés, foyers naturels des engagements les plus intransigeants ; une propagande jihadiste qui dénonce un consensus international de fait pour laisser se poursuivre le supplice d’une population musulmane ; un groupe obscur, Yakin, sans doute prêt à se rallier au plus offrant. Toutes les conditions sont bien réunies pour que la Birmanie devienne à terme un nouvel abcès de fixation jihadiste. Espérons que la médiation d’Annan sera plus efficace qu’en Syrie pour conjurer un tel cauchemar.