Selon le Nouvel Obs, un débat sur les alliances à gauche “monte dans la société civile, dans le monde politique”. Le quotidien a demandé à des écrivains et des intellectuels de s’engager dans ce débat. La première à répondre est la romancière Geneviève Brisac.
“A table, car c’est à table qu’ont lieu les discussions politiques, ou bien au zinc des bistrots, tout le monde est d’accord. Tout le monde : je veux dire les antifascistes, ceux pour qui la possibilité d’un FN au pouvoir est un cauchemar.
Tout le monde est d’accord pour dire que le pire est presque sûr.
Un cauchemar guette, dont ils n’avaient jamais pensé qu’ils pussent le vivre. Et moi non plus. Tout le monde s’engueule mais tout le monde est d’accord pour avoir peur.
Je ramasse les assiettes, je débarrasse, j’apporte le dessert : je ne veux pas que la peur détermine mes actes. Mais je ne sais par où passe le chemin de résistance à la fatalité.
J’imagine que cela devait être pareil en 1934, en 1935.
Pour me rassurer un peu, je repense à ce que m’a raconté mon amie Jenny, une femme libre et courageuse qui a traversé le siècle sans jamais céder à l’intimidation. Elle dit :
“Le 12 février 34, nous sommes allés, mon père et moi, à la manifestation unitaire des Gauches. C’était la réponse au putsch manqué des Ligues, le 6 février. Nous avons rejoint la marche organisée pour sauver la République. Je me souviens d’un cortège puissant, un vrai fleuve. Nous ne défilons derrière personne. Nous portons d’immenses drapeaux rouges.” […]
Je continue à penser que tant que nous sommes debout et vivants, et pensants, une autre politique est possible, parce que la majorité c’est le peuple, les gens, les classes modestes, les chômeurs, les femmes dont on ne parle jamais, j’ai remarqué. Oui : la majorité.
Partout, je le vois, je l’entends, je le sais, il y a des gens qui comprennent, se soucient d’accueillir les réfugiés dont ils savent ce qu’ils nous apportent, détestent l’injustice grandissante, refusent la corruption pour eux-mêmes, avant de s’en prendre aux autres, s’indignent contre nos égoïsmes mortifères, se dressent contre les racismes, les violences, les injustices.
Ce ne sont que des mots ? Peut-être. C’est aussi un programme. Cela s’appelle l’Union de la Gauche.
Nous sommes la majorité. […]