Depuis vendredi 24 février, une trentaine de policiers du commissariat de Perpignan protestent contre le rythme de travail qui leur est imposé. Ils se sont ainsi mis en arrêt maladie, pour dénoncer leurs conditions de travail et le mal-être qui sévit dans la profession depuis plusieurs années. Alain est l’un d’entre eux, il se confie à RMC.fr.
“C’est un ras le bol général, il n’y a pas que le cycle horaire. Notre image est salie, notamment avec l’affaire Théo, même si les policiers n’ont pas encore été jugés. Après les attentats de Charlie Hebdo, en janvier 2015 on nous avait promis monts et merveilles: des effectifs, des véhicules, des armes, des uniformes, on devait tout avoir. Mais depuis, en fait on n’a rien eu.
Aujourd’hui, je me sens très mal dans mon métier. J’ai passé 17 ans dans la police, dont de nombreuses années à Paris. Je n’avais jamais pris un seul cachet d’antidépresseur ou pour dormir de toute ma vie. A cause de toutes ces épreuves qu’on nous fait subir, on en arrive là. C’est un tout: on ne nous fait pas confiance, on subit un management de plus en plus dur, on n’est pas équipés pour les violences actuelles, on n’est pas défendus par notre hiérarchie, en plus des cycles horaires qui détériorent la famille… On est perdus.
Nos locaux sont aussi complètement vétustes, nous n’avons pas de matériel, rien… Je me sens en danger tous les jours. On a une petite salle de repos où tous les tiroirs sont arrachés. Quand on mange, les souris passent dans nos jambes, dans les douches il y a des champignons… L’état des murs et des locaux de la police est très détérioré, avec beaucoup de prises électriques. C’est très dangereux.
J’ai des collègues qui se sont suicidés quand j’étais à Paris. L’administration étouffe ces affaires. D’ailleurs, on ne connaît pas les chiffres de ces suicides. Il existe des psychologues dans les commissariats, mais les collègues n’y vont pas, car ils n’ont pas confiance. Le moindre de nos faits et gestes est très surveillé, donc on n’y va pas parce qu’on a peur.
Depuis des années, la violence a considérablement augmenté. Avant, on n’aurait jamais attrapé par la veste un policier national en lui crachant dessus ou en lui portant un coup de tête. Les jeunes ne nous respectent plus, même des adolescents de 13 ans nous mettent des coups de poing. Et nous, on n’est pas soutenus par la haute hiérarchie.
Nous avons des chefs de brigade avec lesquels on peut parler, avec nos collègues, mais si on en parle plus haut, ils s’en foutent totalement. Nos dirigeants ne sont plus des policiers, ce sont des chefs d’entreprise. Quand j’ai commencé, un commissaire était un policier. Il venait nous dire bonjour le matin, buvait le café et parlait avec ses effectifs. Aujourd’hui, le commissaire, on ne le voit jamais”.