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” Réduire ou arrêter l’immigration ? Insuffisant, juge une partie de l’extrême droite, qui plaide aussi pour le retour au pays de la plupart des immigrés, voire de leur descendance.

 

Il faut toujours garder un œil sur les identitaires. Non que cette petite famille d’extrême droite soit en situation d’appliquer elle-même ses idées radicales : ses deux branches principales, «Les Identitaires» et le mouvement de jeunesse «Génération Identitaire», affichent des effectifs réduits et guère d’ambitions électorales. Mais c’est avec un certain succès que la mouvance, qui se targue d’ouvrir la voie aux grands partis de droite et d’extrême droite, s’est concentrée sur les opérations d’agit-prop et le «combat culturel». Plusieurs de ses figures ont fait leur trou au sein du FN, et certains slogans, certaines thèses identitaires ont trouvé une audience au-delà de leur milieu d’origine.

On a donc feuilleté «Trente mesures pour une politique d’identité et de remigration». Récemment publié par Les Identitaires, ce petit ouvrage expose un programme visant à débarrasser la France, en vingt ans maximum, de «la majeure partie» de ses immigrés non-européens. «Certaines de ses mesures sont d’ores et déjà été intégrées dans le programme de plusieurs partis politiques français, écrit en préface l’un des dirigeants identitaires, Jean-David Cattin. L’objectif des identitaires […] est de les populariser et de rendre incontournables celles qui n’y sont pas encore. Puis, le jour venu, de veiller à leur mise en application».

Expulsions et «ministère de l’Identité»

Plusieurs de ces propositions sont effectivement partagées par Marine Le Pen, qui a présenté son programme début février : abrogation du droit du sol, expulsion systématique des criminels et délinquants étrangers, interdiction de toute régularisation d’immigrés clandestins, suppression de l’aide médicale d’État (AME)… D’autres ne figurent pas en toutes lettres parmi les engagements de la candidate, sans qu’on voie cependant ce qu’elle trouverait à y redire : arrêt des subventions aux «associations soutenant l’immigration clandestine», interdiction des prêches en arabe dans les mosquées, création d’un grand «ministère de l’Identité»…

Il est même un petit nombre de mesures où le Front national se montre plus restrictif que les identitaires. Chez ces derniers, on est volontiers régionaliste et européen, dans un double attachement aux «petites patries» locales et à la «civilisation occidentale». L’ouvrage propose donc de renforcer d’abord les frontières extérieures de l’espace Schengen, plutôt que de quitter celui-ci ; quant au principe de «préférence nationale», les identitaires en étendraient volontiers le bénéfice aux ressortissants de l’Union européenne. Le plus souvent, toutefois, ce sont eux qui vont le plus loin. Proposant par exemple un arrêt de dix ans dans les naturalisations d’immigrés extra-européens, un principe d’«exclusivité nationale» plutôt que de «priorité nationale» en matière d’aides et de logements sociaux, ou encore l’«interdiction de toute propagande en faveur de l’immigration» dans les médias publics ou subventionnés.

«Inverser les flux migratoires»

Au-delà du détail, l’objectif d’ensemble — une «remigration» de la «majorité des immigrés» — n’est au programme d’aucun grand parti. Et notamment pas du Front national, qui a au contraire assoupli son projet en matière d’immigration : plutôt qu’un nombre annuel d’entrées ramené à 10 000, le parti prévoit désormais un solde positif de 10 000 entre entrées et sorties. Historiquement, pourtant, le thème de la remigration a parfois affleuré dans le discours frontiste. «Quand nous arriverons, ils partiront», proclamait une affiche FN des années 1990, illustrée par la silhouette d’un avion au décollage. En 1993 encore, le programme du parti prévoyait d’«inverser les flux migratoires, donc organiser le regroupement familial des immigrés dans leur pays d’origine». Une formule reprise mot pour mot par le secrétaire général du Front, Nicolas Bay, en septembre 2016, mais aussi, début février, par le vice-président Louis Aliot. Il est même arrivé à Marine Le Pen de l’utiliser, peu après son arrivée à la tête du Front national, mais le cas ne s’est pas représenté depuis.

Mise en sourdine au sein du Front, l’idée est en revanche bien vivante à la périphérie de celui-ci : chez les Identitaires, donc, mais également chez des figures radicales telles que l’écrivain Renaud Camus ou le polémiste Eric Zemmour. En 2014, à un journaliste italien qui lui demandait s’il envisageait le renvoi vers l’étranger de «cinq millions de musulmans français», ce dernier répondait : «Je sais, c’est irréaliste, mais l’histoire est surprenante. Qui aurait dit en 1940 qu’un million de pieds-noirs, vingt ans plus tard, seraient partis d’Algérie pour revenir en France ?». S’il est exact que les idées politiques migrent souvent des marges vers le centre, en voilà une dont il faudra guetter l’itinéraire.”


Libération

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