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Interrogé sur les licenciements, Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) à la présidentielle, a dû attendre que l’équipe de Laurent Ruquier contrôle son fou rire pour pouvoir s’exprimer. Pour Éloïse Lenesley, journaliste qui collabore notamment à Causeur, “aucun candidat, aussi peu crédible soit son programme, ne mérite un tel traitement médiatique”.

Les secondes s’écoulent, et on se gausse, on relativise, on en rajoute: «Tu parles peut-être au prochain président de la République!», plaisante Yann Moix. Les licenciements, c’est rigolo. Les précaires et les chômeurs apprécieront.

Il est en T-shirt, et pas n’importe lequel: «Résister, c’est exister», peut-on lire sur son poitrail. Il a aussi l’anticapitalisme chevillé au corps. Philippe Poutou, 49 ans, sans diplômes, ouvrier chez Ford, est l’anti-Macron. Lui ne bénéficie pas des honneurs d’une presse qui a déjà intronisé symboliquement le second, à grand renfort de couvertures de magazines. D’ailleurs, il ne veut pas être président, c’est lui qui le dit. En pleine campagne électorale. Il a droit à ses vingt minuscules minutes de temps de parole chez Laurent Ruquier un samedi soir, alors il parle vite. La bonne aubaine pour faire passer ses idées avant qu’on le range à nouveau dans son placard pendant cinq ans ; le destin politique des petits partis est ainsi fait. Le pluralisme en trompe-l’œil, parce que ça fait joli.

On peut trouver le programme de Philippe Poutou surréaliste, avec sa volonté d’ouvrir en grand les frontières, d’accueillir tous les migrants, de donner le pouvoir au peuple, de siphonner les milliardaires. Mais il ne mérite pas pour autant la condescendance et le persiflage. Il aura suffi d’un malencontreux lapsus de la chroniqueuse Vanessa Burggraf, lui demandant comment il comptait «imposer les licenciements» aux patrons (en fait, elle voulait dire «interdire les licenciements») pour provoquer l’hilarité générale sur le plateau pendant deux interminables minutes. Que de temps perdu quand on en a si peu. S’y reprenant plusieurs fois, s’enlisant dans un fou rire incontrôlable qui eut tôt fait de contaminer Laurent Ruquier et les invités de l’émission, la donzelle arborait à elle seule, sans même en avoir conscience, ce décalage pernicieux, embarrassant, mêlé de mépris de classe, qui sépare une certaine caste médiatique de la France d’en bas, celle qui se trouve de l’autre côté de l’écran, et qui sait ce que c’est, de se faire lourder sans espoir de se recaser. Philippe Poutou sait. Il se bat pour éviter la liquidation de son usine et sauver les emplois de ses collègues. […]

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Philippe Poutou explique ainsi avoir vécu différemment du public, car il était pris dans le feu de l’action, et ne voulait pas “gaspiller le petit espace médiatique qu’offre l’émission”. Cependant, il comprend a posteriori les réactions virulentes que la séquence du fou rire a suscitées : L’attitude de ces journalistes a choqué et je le comprends. Les gens ont senti qu’on se foutait de la gueule des problèmes réels comme le chômage et la précarité.

Analysant encore cette séquence, il s’étonne qu’elle ait été conservée au montage, alors que l’émission était enregistrée en différé jeudi dernier, et estime que cela prouve qu’ils ne se rendent pas compte de leur propre condescendance : “Je suis surpris qu’ils aient gardé la séquence. C’était tellement surréaliste. Ça les mettait, en plus, dans une situation ridicule et malsaine. On a l’impression qu’ils prennent tout ça de haut, ils sont tellement habitués à rire entre eux… Et finalement, ils ne se rendent peut-être pas compte qu’en faisant ça, ils mettent en évidence leur mépris et leur incapacité à discuter. Ils se sont montrés tels qu’ils sont.

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