Un PV troublant, rédigé par un brigadier d’Aulnay et rapportant des actes de viol et de torture entre trafiquants de drogue, a été remis au commissaire dès le lendemain de l’affaire Théo.
Ce procès-verbal mérite toute l’attention. Annexé à la procédure ouverte après les violences subies par Théodore Luhaka, 22 ans, il est daté du lendemain des faits, le 3 février 2017, et rapporte des propos entendus quinze jours plus tôt. Deux lectures sont possibles. La première, c’est de considérer que son contenu nous éclaire sur les méthodes employées par les dealers pour préserver l’omerta dans les quartiers où prime le business. La seconde est plus ennuyeuse pour les forces de l’ordre, puisqu’elle consisterait à regarder cette pièce comme un moyen de diversion destiné à jeter la suspicion sur les accusations de viol pesant sur le fonctionnaire de police, intervenu cet après-midi là pour contrôler plusieurs personnes aux abords d’un point de deal à Aulnay-sous-Bois (93).
Signé d’un brigadier en fonction au commissariat de police d’Aulnay-sous-Bois, ce procès-verbal est adressé au commissaire divisionnaire Vincent Lafon, chef du troisième district de Seine-Saint-Denis. Son objet se présente ainsi : « Rapport d’information sur des pratiques réalisées sur les points de revente de produits stupéfiants dans le quartier de la Rose-des-vents, à Aulnay-sous-Bois ». Soit précisément le quartier où a été blessé le jeune Théo. « Dimanche 15 janvier 2017, j’étais de ronde et patrouille anti-criminalité dans le secteur du quartier de la Rose-des-cents et plus particulièrement sur le point de revente régulier de la place Jupiter », rapporte le brigadier, avant de citer les noms du brigadier et des trois gardiens de la paix qui l’accompagnaient (et qui seraient donc en mesure de confirmer ce témoignage). Dans l’après-midi, alors qu’il interpelle un individu pour trafic, trois jeunes « très impliqués dans ce trafic », dont le brigadier cite aussi les noms, lui « ont fait part de leur mécontentement au sujet de cette interpellation qui, selon eux, “était le résultat de la présence sur ce point de deal de nombreux individus fournissant des informations aux différents services de police” ».
« Ainsi, poursuit le policier, les trois individus m’ont indiqué qu’un certain nombre d’individus travaillant sur ce point avait été soumis à des actes de torture [par d’autres personnes impliquées dans le trafic, ndlr] afin de leur soutirer leurs aveux quant à une collaboration éventuelle avec la police. J’ai reçu alors la précision que les individus, pour qu’ils avouent, étaient copieusement fouettés et sodomisés à l’aide d’un manche à balai ».
Et le brigadier de conclure, laissant la porte ouverte à tous les doutes : « Sur le coup, j’ai cru qu’il s’agissait d’une méthode d’intimidation afin que les différents services de police ne tentent plus d’obtenir des renseignements auprès des individus présents sur ce point de deal ».
« Rédigé à toutes fins utiles », termine l’auteur, une formule d’usage qui prend un relief particulier lorsque l’on connaît les soupçons de viol à la matraque télescopique portées depuis contre un de ses collègues, au lendemain d’une intervention pour le moins houleuse dans le même quartier. Une manière de suggérer que la blessure constatée par les urgentistes sur le jeune Luhaka peut très bien être antérieure aux faits ? Nul doute que les avocats des fonctionnaires s’en saisiront tôt ou tard, dans l’espoir de générer le doute. Aussi sûr que l’avocat de la victime, M° Eric Dupont Moretti, se fera un devoir de tailler ce procès-verbal en pièces.
Merci à marie Salers