Fdesouche

Tribune de Gaspard Koenig (philosophe, maître de conférences à Sciences Po Paris et président du think-tank Generation Libre).

Je me sens face à Emmanuel Macron comme Nietzsche devant l’opéra : la musique m’envoûte mais à condition de ne pas trop prêter attention aux paroles. Derrière la mise en scène spectaculaire, les envolées fraternelles et les trémolos révolutionnaires, se cache en effet un programme assez timide, plus chiraquien que libertarien. Raisonnable, trop raisonnable. Entre un candidat PS qui souhaite renégocier la dette française et un candidat LR qui veut réduire d’un demi-million le nombre de fonctionnaires, Emmanuel Macron temporise. […]

Que les altermondialistes se rassurent, Emmanuel Macron est encore loin de la révolution ultra-néo-libérale. Il semble même avoir renoncé à ce qui faisait sa marque de fabrique, le discours contre les rentes et en faveur de la concurrence. […]

La déception que représentent les cogitations d’En marche ! ne devrait pourtant pas nous détourner trop vite d’Emmanuel Macron. Car au fond, son programme importe-t-il ? Il est probable que les élections législatives livrent une Chambre hétéroclite. […] A l’Elysée, Emmanuel Macron deviendra un président à l’allemande, aimable garant des institutions et figure souriante du pays, comme le prévoyait la Constitution de la Ve République dans sa version originelle.

Et c’est là que la démarche follement audacieuse d’En marche ! reprend tout son sens. Si le président est un symbole, alors Emmanuel Macron remplirait cette fonction à merveille, lui conférant jeunesse, intelligence et ouverture. […]

Voilà qui redonnerait confiance à la France et, en ces temps maussades de victoires populistes, à de nombreux citoyens par-delà nos frontières. Emmanuel Macron n’est sans doute pas le messie du libéralisme, mais peut-être l’un de ses prophètes. Notre Justin Trudeau à nous. La charmante musique qu’il diffuse partout dans le pays vaut mieux que son poussif programme. Après tout, qui lit les livrets des opéras ?

Le Monde

Fdesouche sur les réseaux sociaux